Étienne Pageau-Crevier, pdg de BiogeniQ, s'est donné pour mission de permettre à quiconque d’adapter son mode de vie à son profil génétique. [Photo : Julien Brault]
À l'ère du Web et des données ouvertes, jamais n’a-t-on eu accès à autant d’information sur le monde qui nous entoure. Par contre, l’information dont nous disposons sur nous-mêmes, qui se trouve dans notre code génétique, n’est pas encore à la portée du plus grand nombre. Étienne Pageau-Crevier, pdg de BiogeniQ, veut mettre fin à cette anomalie en offrant des tests génétiques permettant à quiconque d’adapter son mode de vie à son profil génétique.
« Le code génétique, c’est le plan d’architecte pour le corps humain. S’il y a un vice structurel, une fissure pourrait apparaître quand on aura 60 ans, explique Étienne Pageau-Crevier. Mais en étant conscient de ce vice, on pourra changer son mode de vie et son alimentation pour prévenir l’apparition de la fissure. »
Le père d'Étienne Pageau-Crevier, lui-même un médecin, aurait aimé avoir accès à cette information. En 2010, il avait participé à une étude sur la génétique en tant que sujet et avait demandé s'il pouvait accéder aux données le concernant. Les responsables de l'étude avaient refusé. En 2012, il décédait d’une crise cardiaque, un incident auquel il était génétiquement prédisposé…
Étienne Pageau-Crevier, qui faisait alors sa maitrise en biochimie moléculaire à l’Université de Montréal, a dès lors décidé de se lancer en affaires. Après s’être inscrit au MBA à l’Université Sherbrooke, il a lancé BiogeniQ en août 2013.
La révolution médicale du sur-mesure
Le test le plus populaire offert par BiogeniQ est celui qui porte sur l’alimentation. Baptisé NutrigenomiQ, le test coûte 399 $ et permet d’obtenir un rapport exhaustif comportant des recommandations en matière de nutrition.
Le rapport n’est pas envoyé par la poste, mais remis lors d’une rencontre avec une nutritionniste, qui pourra aider le patient à appliquer les recommandations. « La recommandation vient du professionnel de la santé qui utilise notre test, explique Étienne Pageau-Crevier. S’il a des doutes sur le bien-fondé de nos recommandations, il pourra nous appeler et, ultimement, demander à ce que le rapport soit modifié. »
Cette approche explique en partie les prix plus élevés de BiogeniQ par rapport à l’Américaine 23andMe (dont la co-fondatrice, Anne Wojcicki, est mariée à l’un des co-fondateurs de Google), qui a démocratisé les tests génétiques en offrant un test standardisé à 99 $. Alors que BiogeniQ mise sur des professionnels de la santé pour effectuer les prélèvements (de salive) et pour interpréter les résultats de ses tests, 23andMe envoie un kit de prélèvement par la poste, puis livre un rapport standardisé par la suite.
Depuis novembre 2013, 23andMe ne peut plus faire parvenir des rapports interprétant les résultats de ses tests, la Food and Drug Administration (FDA) le lui ayant interdit. Ses tests à 99$ sont encore en vente, mais ceux qui les commandent ne reçoivent désormais que des données non interprétées de même qu’un rapport généalogique.
En travaillant avec des professionnels de la santé, Étienne Pageau-Crevier soutient que son entreprise respecte la réglementation canadienne. BiogeniQ offre aussi un test de généalogie pour 249$, mais compte offrir sous peu des tests permettant de dépister les prédispositions aux maladies graves (499 $) et la tolérance aux médicaments (499 $). L’entreprise prévoit offrir un forfait comprenant les quatre tests pour 1 599 $.
Démocratisation
Si les bénéfices de tels tests sont évidents, leur prix demeure prohibitif. Les coûts des tests chutant rapidement, Étienne Pageau-Crevier estime que tous pourront bientôt les passer. « Ça va plus vite que la loi de Moore », fait-il valoir.
À ce rythme, le séquençage complet de l’ADN sera bientôt à la portée de tous. (Pour l’instant, BiogeniQ se contente de repérer certains marqueurs génétiques permettant de tirer des conclusions sur leurs porteurs.) Alors que le séquençage complet de l’ADN d’un individu coûtait 10 millions en 2007, le tout coûte aujourd’hui à peine 3 000 $. « D’ici cinq ans, c’est quelque chose qui devrait coûter à peine 300 $ », estime Étienne Pageau-Crevier.