Photo: Benjamin Nantel.
L'histoire de SNC-Lavalin(Tor., SNC) a fait beaucoup de bruit dans les médias, mais, assez curieusement, à peu près aucune intervention n'a porté sur son plus important enjeu: faut-il modifier les règles du droit criminel au Canada de façon à permettre au Procureur général de régler un dossier sans admission de culpabilité?
À ce jour, l'essentiel de la couverture journalistique a focalisé sur la politique des travaux publics du gouvernement fédéral qui interdit d'allouer des contrats publics pour dix ans à une entreprise ayant été reconnue coupable d'une infraction de corruption.
Au dernier budget, le gouvernement conservateur a annoncé son intention de revoir cette politique. Il n'est pas clair s'il a l'intention de retirer l'interdiction d'allouer des contrats, mais la récente décision d'accorder à SNC le contrat du pont Champlain peut être interprétée comme pointant dans cette direction.
C'est malheureusement insuffisant pour le fleuron québécois.
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La société a des activités à l'international d'où proviennent 40% de ses revenus. Elle fait affaire avec de grands donneurs d'ouvrage, qui, comme plusieurs gouvernements, se sont dotés de politique d'octrois de contrats. Ces politiques doivent être respectées pour permettre aux grands donneurs d'ordre de pouvoir eux-mêmes soumissionner dans des pays où les règles de gouvernance sont strictes.
Shell est un exemple cité. Aux prises avec des scandales de corruption en Afrique, elle a apparemment dû signer des règlements hors cour où elle s'engage à contrôler la qualité de ses fournisseurs.
Avec un verdict de culpabilité, SNC pourrait-elle travailler pour Shell?
On ne sait trop encore quel serait l'impact d'une éventuelle condamnation, mais à la dernière assemblée annuelle de l'entreprise, le président Robert Card a parlé "d'un nombre important d'emplois canadiens qui seraient à risque parce que nos grands clients se demanderaient comment il se fait que l'on a été condamné".
Cette interrogation vient du fait que le système criminel a évolué depuis quelques années dans le monde.
Depuis 2000, les États-Unis utilisent une procédure de règlement criminel appelée defered prosecution agreement. La procédure permet au Departement de la justice américaine de régler hors cour avec des entreprises (et des individus) sans reconnaissance de culpabilité. Le règlement est généralement accompagné d'amendes qui peuvent être salées et de conditions sur le fonctionnement futur de l'entreprise. Plus de 250 ententes ont à ce jour été conclues chez l'Oncle Sam.
Il y a un peu plus d'un an, en février 2014, la Grande-Bretagne a aussi introduit la procédure du defered prosecution agreement dans ses lois criminelles. À la différence du droit américain, le droit britannique prévoit qu'un juge doit superviser le processus et approuver le règlement. Il n'est pas accessible aux individus.
Dans les deux juridictions, le règlement criminel n'empêche pas les procédures civiles de continuer de courir.
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