Le moins que l'on puisse dire c'est que SNC-Lavalin en traverse une difficile. Après l'affaire des fonds disparus il y a une semaine, et celle du Bangladesh lundi, en voici une troisième: le cadeau à Pierre Duhaime.
La circulaire de l'entreprise révèle que l'ex-chef de direction recevra une indemnité de départ de plus de 4,9 M$. Tout aussi surprenant: tandis que les dirigeants de SNC soutenaient la semaine dernière que monsieur Duhaime avait remis sa démission, la circulaire indique plutôt qu'il a été "relevé de ses fonctions".
"Relevé de ses fonctions", mais "pour une raison autre que pour un motif valable", lit-on aussi dans les notes de bas de page.
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Comment peut-on relever quelqu'un de ses fonctions pour une raison autre qu'un motif valable? C'est fréquent. Deux gestionnaires ont de la difficulté à s'entendre sur les orientations d'une entreprise, l'un devra évidemment quitter. On mettra fin à son contrat pour une raison autre qu'un motif valable et il sera indemnisé.
Pour Pierre Duhaime, la chose est cependant différente. Il a commis une faute en décidant d'approuver unilatéralement des paiements de 56 M$ pour des motifs dont on ne connaît toujours pas la finalité. Savait-il à quoi était destiné cet argent? Pourquoi a-t-il approuvé ces paiements? On ne le sait toujours pas, et il est difficile de savoir s'il a commis une simple erreur de négligence (ce qui n'efface pas juridiquement son droit à une indemnité) ou une faute lourde (ce qui a de grandes chances de l'effacer).
Il y a une semaine, le président du conseil laissait entendre que la faute de monsieur Duhaime en était davantage une de négligence dans le feu de l'action et que son départ était surtout commandé par un motif d'imputabilité. Une faute, mais pas lourde. D'où l'indemnité.
Il y a une semaine, la société parlait aussi malheureusement d'une démission plutôt que d'un congédiement. C'est toute une différence. Si bien qu'en matière de crédibilité, le conseil d'administration souffre actuellement d'un important déficit.
Dans le contexte, la possibilité d'une faute lourde ne peut être écartée et les actionnaires institutionnels de SNC-Lavalin qui ont à cœur une saine gouvernance devraient demander des comptes et des détails supplémentaires au conseil sur ce qu'a dit monsieur Duhaime lors de l'enquête. La divulgation de SNC ne va pas assez loin sur ses agissements.
En l'absence de ces détails, l'indemnité de départ versée à l'ancien chef de direction est susceptible de donner l'impression soit d'un cadeau fait à quelqu'un qu'on aimait bien, soit d'un achat de silence.
Le dévoilement des détails permettrait de mieux apprécier la gravité de la faute. Si celle-ci est d'une nature davantage liée à l'imputabilité, la crédibilité du conseil y gagnera. Il sera difficile de l'attaquer et de dire qu'il devait totalement renier les clauses prévues au contrat d'embauche de monsieur Duhaime en cas de cessation d'emploi. S'il s'avère cependant que la faute est lourde, l'actionnariat devra se demander s'il n'y a pas lieu de réfléchir à quelques réaménagements au conseil d'administration.