Faut-il être outré?
Faut-il être outré de la nomination d’un unilingue anglophone à la tête du fleuron québécois?
Ça dépendra en fait de la suite des choses.
En 2009, la nomination de Michael Sabia à la Caisse de dépôt et placement du Québec avait amené bien des déchirements de chemises sur la place publique. Monsieur Sabia était perçu comme un suppôt de fédéralistes et avait beaucoup de difficultés à s’exprimer en français. Trois ans plus tard, nombreux sont ses détracteurs de l’époque qui sont prêts à reconnaître qu’il a assez bien jonglé avec le volet nationaliste de la Caisse tout en créant du rendement. Il faut également le couvrir pour s’apercevoir comment lors de discussions un peu plus technique avec la presse anglophone, il a parfois tendance à chercher son vocabulaire anglais. Le français lui vient spontanément à l’esprit. Plus personne ne peut plus aujourd’hui lui faire de reproche d’ordre linguistique.
Avec les années, SNC-Lavalin est passée d’une envergure nationale à une envergure internationale. Il coule de source que le nombre de candidats avec une expérience internationale dans le secteur de l’ingénierie est restreint au Canada. Et qu’il peut être avantageux de sortir de sa juridiction pour aller voir si des talents exceptionnels et expérimentés ne se trouvent pas ailleurs. Sous cette perspective, la nomination de monsieur Card, est tout à fait logique. Il a occupé différents postes à la haute direction de CH2M Hill, une société d’ingénierie et de construction du Fortune 500. Il a aussi été, entre 2001 et 2004, sous-secrétaire du US Department of Energie, un organisme où il avait pour mission de superviser 65 000 employés fédéraux et contractuels, de même qu’un budget de 14 G$ US. (À titre de comparaison, le chiffre d’affaires de SNC est aujourd’hui sous les 8 G$).
Certains auraient peut-être souhaité voir quelqu’un de chez SNC s’amener aux commandes. Après tout, dira-t-on, il a jusqu’ici été possible de construire une société d’envergure internationale avec du talent provenant du Québec. Dans le contexte des allégations de corruption, il est cependant préférable d’avoir quelqu’un de l’externe pour s’assurer que le coup de balai est bien appliqué, si besoin est.
Malgré l’écart avec ce qui avait été initialement indiqué, on donnerait donc pour l’instant le bénéfice du doute au conseil d’administration de SNC. La barre est cependant haute pour monsieur Card. Il doit réussir à rétablir la confiance, et faire en sorte que la fierté des Québécois pour SNC revienne à son niveau d’il y a quelques mois. Il aura besoin pour ce faire d’une bonne maîtrise du français.
Bob Card doit entrer en fonction le 1er octobre. D’ici là, il ne serait peut-être pas fou de prendre quelques rendez-vous à l’avance avec le président de l’un de ses plus importants actionnaires : Michael Sabia.
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