Le Vérificateur général du Québec a finalement pressé le pas et déposé son rapport sur la dernière mise à jour économique du gouvernement. Quelle formation politique l'emporte? Jugez par vous-même. Il devient cependant impératif que l'on cesse d'utiliser l'institution à des fins partisanes.
"Je pense que c'est le PQ qui gagne le plus. Suivi des libéraux, et la CAQ perd beaucoup", disait un collègue, quelques minutes après le dépôt du rapport, alors que les premières manchettes arrivaient sur les fils de presse.
Le verdict s'appuyait sur cette affirmation du vérificateur: "Le vérificateur général par intérim est d'avis que les prévisions de dépenses consolidées sont raisonnables pour 2013-14, mais ambitieuses pour les deux années suivantes".
On se rappellera que la CAQ a beaucoup insisté ces dernières semaines sur la nécessité pour l'État de faire un grand ménage dans les dépenses et laissé entendre que ce ménage pouvait se faire assez aisément si on en avait la volonté. Au point où il pourrait conduire à des baisses d'impôt.
Pendant ce temps, les libéraux étaient plus hésitants. Le chef Philippe Couillard laissait d'abord entendre que l'équilibre fiscal pourrait être reporté de quelques années, puis précisait qu'il s'était mal exprimé et qu'il voulait plutôt dire qu'il craignait que l'on s'embarque dans plusieurs années de déficits. Dans une entrevue qu'il nous accordait ensuite, monsieur Couillard allait finalement plaider en faveur d'une politique qui stipulerait que chaque nouvelle dépense pour un programme devrait être compensée par une coupe ailleurs. Il considérait son approche plus réaliste que celle de la CAQ.
Et puis il y avait le Parti québécois, qui, dans la perception populaire, est celui qui a le moins envie de compresser l'appareil. Comme en témoigne, disent les tenants de la thèse, le report de deux ans de l'atteinte de l'équilibre budgétaire.
Notre collègue estime que le PQ l'emporte parce que même le vérificateur général est d'accord pour dire que les cibles de dépenses consolidées sont ambitieuses pour les deux prochaines années (donc que le PQ a eu raison d'étaler l'atteinte du déficit sur deux ans).
Est-ce vraiment l'interprétation à donner au rapport du Vérificateur général?
On s'en garderait. Parce que le vérificateur dit aussi plusieurs autres choses, et qu'il y a un contexte à placer. Il fait cette déclaration en s'appuyant sur une perspective historique.
On peut néanmoins se demander s'il est approprié que le Vérificateur y aille d'une telle déclaration. Tout comme lorsqu'il qualifie de raisonnables certaines hypothèses économiques, ou de discutables, d'autres hypothèses.
Ce n'est pas son rôle de juger des hypothèses. Son rôle est plutôt de s'assurer que les bons principes comptables sont en place, tout comme les bonnes pratiques de gouvernance.
Le Vérificateur est ainsi tout à fait à l'intérieur de son mandat lorsqu'il signale son désaccord sur la norme comptable adoptée pour les paiements de transfert. Celle adoptée par Québec aurait pour effet de sous-évaluer le déficit de 626 M$ et la dette nette de 8,1 G$. Il y a désaccord de la part du gouvernement, qui dit notamment que quatre firmes privées ne partagent pas cette vue. Mais là n'est pas la question. Le fait est que nous sommes cette fois vraiment sur l'échiquier de la vérification. Et que l'enjeu qu'il soulève est fondamental.
L'avenir
Ce sont les partis d'opposition qui ont forcé le Vérificateur général à s'amener dans l'arène électorale en faisant adopter une motion par l'Assemblée nationale. Ce faisant, ils ont mis à risque sa crédibilité. Il n'est pas parfait, et il peut errer dans ses remarques. Même s'il n'erre pas, celles-ci peuvent être déformées par un agenda électoral partisan.
Il est essentiel que la crédibilité du Vérificateur général soit inattaquable dans l'opinion publique. Il est l'assise de la confiance dans le système. Souhaitons que l'expérience ne soit pas répétée.
Si l'on veut vraiment un organe qui produit une analyse critique des politiques du gouvernement, que l'on se donne, comme à Ottawa, un Directeur parlementaire.
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