Tiens, tiens, les Chinois lèvent la règle de l'enfant unique. Pourrait-il y avoir de ce côté un ou deux investissements intéressants ?
La question nous est venue à l'esprit, il y a quelques jours, alors que les cours des producteurs de lait et de fabricants de jouets chinois s'envolaient, et celui du fabricant de condoms japonais Okamoto Industries reculait.
D'abord un peu d'histoire.
La règle de l'enfant unique en Chine est en place depuis 1979. À l'époque, elle avait été adoptée afin de freiner la croissance de la population. Les autorités voulaient s'assurer que l'approvisionnement en eau et en ressources ne viendrait pas à manquer. Il y avait cependant aussi quelques motifs économiques. En fait, le pari était qu'avec moins de bouches à nourrir, la population chinoise améliorerait son épargne, ce qui accélérerait ensuite les investissements. Un pari qui a réussi, disent des économistes.
Il y a deux ans, la règle a en partie été modifiée pour permettre aux couples dont l'un des membres était enfant unique d'avoir un second enfant.
Pourquoi la Chine change-t-elle d'idée et permet-elle maintenant aux couples d'avoir deux enfants ?
Les choses ont évolué, et, comme au Québec, la pyramide d'âge est vieillissante. À compter de l'an prochain, le poids des 20 à 60 ans commencera à diminuer en Chine, tandis que la population de plus de 60 ans gagnera en importance. Cette catégorie, qui forme 15 % de la population aujourd'hui, passera à plus de 30 % d'ici 20 ans, prévoit l'ONU.
À moins d'importants gains de productivité, une main-d'oeuvre en baisse veut dire une économie qui peinera davantage à progresser. Il faut donc tenter d'amener de nouveaux bras pour prendre la relève, et il se fait déjà tard.
Quelle sera l'ampleur du baby-boom ?
Deux camps s'affrontent.
Dans le camp des optimistes, Credit Suisse croit que le retrait de la mesure pourrait amener de 3 à 6 millions de nouveau-nés supplémentaires par année de 2017 à 2022. Ce serait un élan appréciable, le nombre de naissances chinoises étant actuellement de 16 millions annuellement (on parle donc d'une augmentation de 18 % à 38 %).
D'autres ne voient cependant pas de très grands changements poindre. Il n'est pas si clair que les couples chinois qui ont un enfant décideront d'en avoir un second.
Le prix de l'immobilier en Chine est très élevé, fait notamment remarquer la maison Natixis. Elle souligne que les nouveaux acheteurs d'une maison doivent consacrer en moyenne l'équivalent de 16 ans de salaire (après impôt) à son paiement. La firme note aussi que le coût des études de qualité pour les enfants est très élevé.
CCB International signale de son côté que, depuis l'expérience de 2013, seulement 13 % des couples qui se qualifiaient ont déposé une demande pour être autorisés à avoir un deuxième enfant.
Quelle sera l'ampleur du baby-boom, donc ?
Quelque chose nous dit qu'il sera nettement plus faible que ce que le réflexe initial amène à penser. La hausse des naissances pourrait bien ne se situer qu'à environ 10 %.
Des titres à jouer
Le boom sera modéré, mais cela ne veut pas dire que la thématique de la naissance chinoise soit sans intérêt. La Chine continue de s'enrichir, tandis que le marché des biens pour enfants poursuit son expansion. En hausse de 12,3 % en 2014, le marché des couches affiche par exemple un taux de pénétration de 54 % aujourd'hui, alors que dans les pays développés il est de 96 %.
Les acteurs qui peuvent être joués à partir de l'Amérique du Nord ne sont malheureusement pas légion. La maison Zacks en a repéré quatre, nous en avons ciblé un.
Mead Johnson Nutrition (MJN, 81,31 $ US)
L'entreprise américaine de Glenview, en Illinois, conçoit des produits nutritionnels destinés aux enfants. Le tiers de ses revenus proviennent de la Chine, ce qui laisse entrevoir une situation intéressante. À près de 25 fois le bénéfice attendu en 2015, le titre est cependant cher.
Procter & Gamble (PG, 73,96 $ US)
La multinationale de Cincinnati, en Ohio, fabrique des couches (Pampers) et certains produits pour la famille (entre autres le shampooing Head & Shoulders et le détergent Tide). La Chine représente 8 % de ses ventes. C'est une exposition qui pourrait croître (notamment dans les couches, comme on l'a vu). Le titre est à 18 fois le bénéfice prévu dans un an, ce qui peut probablement se justifier, mais ce n'est pas non plus une aubaine.
Kimberly-Clark (KMB, 117,32 $ US)
Le concurrent de Procter met en marché les couches Huggies. Le titre a des multiples équivalents à ceux de PG et une croissance semblable des bénéfices. Même constat : prix justifiable, mais pas une aubaine.
Johnson & Johnson (JNJ, 99,88 $ US)
Le fameux fabricant de la poudre pour bébé, et d'une quantité d'autres produits. Les multiples sont meilleurs ici, mais la croissance de l'entreprise du New Jersey piétine aussi depuis quelques années. Il faudrait creuser.
Dorel (DII.B, 30,99 $)
La société québécoise fabrique des produits destinés aux enfants en Chine, dont des poussettes parapluie. Sa principale usine de production compte 20 bâtiments et 1,2 million de pieds carrés. La direction voit le retrait de la règle de l'enfant unique comme une occasion d'accroître ses volumes là-bas. On a personnellement une bonne impression, mais les analystes semblent encore douter des résultats qui couronneront l'effort de redressement en cours de l'entreprise montréalaise.
Sur le radar
Dorel (Tor., DII.B, 30,99 $)
Le titre sur un an
Les recommandations des analystes qui suivent le titre de Dorel
7 Conserver
2 Surperformance
Cours cible : 38,00 $
Source : Bloomberg
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