Grèce: le Québec aurait-il joué la ligne dure?

Publié le 13/07/2015 à 16:27

Grèce: le Québec aurait-il joué la ligne dure?

Publié le 13/07/2015 à 16:27

(Photo: Bloomberg)

Que disions-nous au lendemain du référendum grec, il y a quelques jours? «Difficile de croire que ce référendum permettra d'arracher beaucoup plus que ce qui était offert.»

Une semaine plus tard, nous y sommes. La Grèce et ses créanciers viennent de passer un pré-accord pour un troisième programme d'aide de 86 G d'euros. Et il ne semble effectivement pas y avoir beaucoup de gains pour la Grèce.

Le bras de fer qui avait conduit au référendum concernait surtout la mise en place de mesures touchant certaines politiques fiscales et sociales. Notre pari était que la Grèce pourrait  faire de petits gains de ce côté, mais rien de majeur. Elle pourrait cependant probablement obtenir un engagement de restructuration de sa dette pour l'avenir et faire valoir à ses commettants que le référendum n'avait pas été vain (une fausse victoire dans le contexte ou le Fonds monétaire international disait déjà que cette dette devrait éventuellement être restructurée, mais bon).

Ce qui s'avère au final

Le document de l'entente ne permet pas de voir l'étendue des gains et concessions effectués par chacune des parties sur la question des politiques fiscales et sociales. Il y a peut-être de légers gains de la Grèce, mais rien ne semble majeur. On n'a en tout cas pas encore vu personne dans le camp grec les souligner.

Tel qu'anticipé, les créanciers se disent prêts à envisager une éventuelle restructuration de la dette grecque, si l'entente pour l'aide de 86 G d'euros réussit. Mais là encore… Le texte contient les mots «si nécessaire», ce qui est loin d'être un engagement ferme de négociation. Il est aussi écrit noir sur blanc qu'il n'est pas question d'abandonner de la dette. Seule l'option du rééchelonnement est ouverte, ce qui veut dire que les créanciers accepteraient peut-être d'étendre des échéances dans le temps en tablant sur l'inflation comme facilitatrice de paiement (ce sur quoi on avait aussi tablé).

La surprise de l'entente est cet engagement de la Grèce de mettre sur pied un programme de privatisation de 50 G d'euros. Les sommes recueillies serviront à recapitaliser les banques grecques (25 G), à repayer une partie du nouveau prêt (12,5 G) et à mettre sur pied un programme d'investissements (12,5 G).

Personne n'avait vu venir cet engagement, et on peut se demander quels sont les actifs qui ne font pas déjà l'objet de garanties et qui pourront être vendus.

Une défaite cinglante, mais pouvait-il en être autrement?

La défaite est cinglante pour le gouvernement, mais pouvait-il réellement en être autrement?

Certains diront qu'il aurait plutôt dû claquer la porte à ses créanciers et sortir de l'euro.

On a personnellement beaucoup de difficultés à comprendre comment une telle sortie pourrait être meilleure pour les Grecs. Si le pays quitte intempestivement  la zone euro et ramène le drachme, la nouvelle devise dévaluera assurément fortement (40 à 50% en Islande). La facture sera alors salée pour beaucoup d'entreprises locales qui devront continuer de rembourser leurs créances en euros. Tellement salée que bien des entreprises locales ne pourront pas se refinancer, les créanciers jugeant le risque trop élevé. Force est aussi de constater qu'il n'y aurait plus eu personne pour recapitaliser les banques grecques. Un système économique peut difficiellement fonctionner sans banques. L'hécatombe se serait amplifiée. S'il doit un jour y avoir une sortie de l'euro, celle-ci devra être planifiée et se faire sur une longue période.

D'autres soutiendront que les créanciers - pour la majorité l'Allemagne, la France et d'autres États européens - jouent trop durement la partie.

C'est possible. Mais le contexte n'est pas simple. D'importantes restructurations ont été demandées à d'autres pays (l'Irlande, l'Italie, le Portugal, l'Espagne) sans alléger leur dette. Celle de la Grèce a déjà bénéficié de conditions favorables, notamment avec des rééchelonnements dans le temps. Et les bilans de la plupart des gouvernements européens sont déjà grevés de solides dettes. Que dirait-on au Québec si le gouvernement était venu en aide à une autre province pour préserver l'intégrité de la fédération (en empruntant pour lui prêter) et annonçait du jour au lendemain qu'il fait cadeau d'une partie de sa créance, mais continue d'assumer 100% de la dette?

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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