BLOGUE. Lorsque Bell a annoncé sa volonté de lancer une nouvelle chaîne d'information, il y a quelques jours, on s'est personnellement dit : ce ne sera pas gros, mais c'est financièrement intéressant. Erreur, ce sera assez gros, et financièrement peu attrayant.
La beauté d'être à la fois un producteur et un distributeur de contenus est que l'on peut choisir d'aménager un certain nombre de bouquets de chaînes. On y intègre des chaînes qu'on possède et on récolte des redevances d'abonnement. Attention, il y a des limites à ce qu'on peut faire. Il faut que nos chaînes soient assez populaires pour que les bouquets construits demeurent concurrentiels.
Le modèle qu'on attendait
Le modèle qu'on attendait initialement ? Celui d'Argent.
Les derniers chiffres du CRTC montrent que la chaîne a finalement réussi à atteindre la rentabilité avec une approche de production de contenu que l'on baptiserait le « modèle petit ». Il s'agit de produire dans un seul studio des bulletins en boucle progressivement bonifiés, avec quelques émissions d'affaires publiques à bas coûts. En 2011, Argent a fait près de 4,2 M$ de revenus (avec seulement 84 000$ de publicité) et a dégagé un bénéfice d'exploitation de 1 M$ (avant amortissement, intérêts, etc.). Sans compter les revenus du site Internet, qui ne sont pas dévoilés, mais ne sont pas à négliger.
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On voit tout de suite l'attrait du modèle pour un service d'information généraliste, qui aurait plus de téléspectateurs (donc plus de publicité) qu'un service de niche. Et permettrait de décliner des contenus supplémentaire sur du Web et du mobile.
Oui, la comparaison est boiteuse. Argent a certaines synergies avec TVA qui ne lui coûtent rien. Les dépenses d'exploitation de Bell seraient plus élevées, mais, on l'a dit, ses revenus (publicitaires notamment) le seraient vraisemblablement aussi.
Ce que voit plutôt Bell
On a sursauté la semaine dernière en voyant les prévisions financières de Bell. La société prévoit investir 20 M$ dans ses studios et équipements et dépenser plus de 15 M$ par année pour l'exploitation de son service d'information. Sur cinq ans, les pertes totalisent près de 30 M$ (et la cinquième année n'est pas encore à l'équilibre).
Bell n'est pas du tout sur le petit modèle de production. Ses coûts sont basés sur ceux de la chaîne CP24 de Toronto. Ils ressemblent en fait à ceux de LCN (17,8 M$ en 2010 et 20 M$ en 2011).
Parce que LCN bénéficie aussi de synergies avec TVA, les moyens de la nouvelle chaîne de Bell ne seront pas aussi importants que ceux de sa concurrente dans la réalité. Reste qu'il s'agit d'un effort important. Un effort qui, au lieu de lui coûter quelques millions de dollars et de pratiquement s'autofinancer, comme dans le premier scénario, lui coûtera cette fois 50 M$ (30 M$ de pertes plus les 20 M$ d'investissements dans ses studios et équipements).
Constat?
Bell frappe relativement fort. Elle veut faire bonne impression. Elle évite aussi de se faire accuser de tenter de profiter du système. Au final, son projet n'entraîne pas de grandes pertes pour l'actionnaire et il s'agit d'une bonne nouvelle pour la diversité de l'information. Il reste néanmoins à voir si elle ne reviendra pas un jour à un plus petit modèle.
FRANÇOIS.POULIOT@TC.TC