Wall Street ne changera pas

Publié le 28/11/2011 à 10:17

Wall Street ne changera pas

Publié le 28/11/2011 à 10:17

Blogue. Toute ma vie de journaliste financier et d’investisseur, j’ai entendu des clameurs pour que le milieu financier change. Autant ici au Canada qu’aux États-Unis.

Cela a commencé au lendemain du krach d’octobre 1987. Tous les médias et bien de grands penseurs ont pointé du doigt les financiers pour cet événement traumatisant qui allait sûrement provoquer une dépression.

Les politiciens ont embarqué, comme cela semble être leur rôle d’entrer dans une tendance peu importe les conséquences, en autant qu’ils récoltent des votes. On a donc voté des lois et réglements plus sévères pour les financiers. Les investisseurs et épargnants pouvaient dormir en paix (hahahha!).

Lors de l’éclatement de la bulle techno à partir de 2000, on a eu le même scénario, et cette fois la réaction gouvernementale/politicienne aux États-Unis a été encore plus radicale. Les fiascos du genre Enron ont vraiment mis les autorités en maudit.

Les lois et les réglements ont encore une fois été renforcés et leur degré de sévérité hautement augmenté. Fini les folies!

Ouais, pas vraiment parce que seulement quelques années plus tard, BANG, on a eu la plus grave crise financière en près de 100 ans.

Et les cris pour changer Wall Street sont revenus, plus persistants que jamais.

Il me semble qu’on devrait avoir compris, non?

On ne changera pas Wall Street et le milieu financier pour au moins deux raisons. La première est ontologique : changer Wall Street revient à demander à une chaise de changer pour être une table (analogie provenant de l’épisode d’hier de Dexter…).

Dans un milieu très compétitif, peuplé de gens très intelligent et où l’argent coule à flots, les réglements et les lois finissent par être contournés ou devenir complètement désuets en raison des innovations financières.

D’autre part, ce qu’on oublie tellement souvent de mentionner lorsqu’on pointe du doigt les financiers, c’est que la plupart du temps ils ne sont que des intermédiaires, une partie seulement des participants. Les autres participants, soit les investisseurs de tous les acabits, sont toujours au milieu des crises, peu importe le niveau des lois et des réglements.

Cela me fait penser au monsieur qui la semaine dernière lors d’une conférence, m’a demandé comment les cours boursiers peuvent baisser si vite parfois. «Est-ce parce qu’il y a plus de vendeurs que d’acheteurs», m’a-t-il demandé?

Je lui ai fait remarquer que ce qu’il disait n’avait aucun sens. Chaque transaction signifie un acheteur et un vendeur…

Pour vraiment changer Wall Street et les financiers, il faudrait changer la nature humaine, incluant celle des investisseurs, ces participants irrationnels qui provoquent toujours une grande partie des crises et fiascos par leurs excès d’avidité et de peur.

Car les crises sont toujours provoquées par les excès et ces derniers ont toujours à leur source la nature des investisseurs, qui perdent la carte lorsque les prix grimpent (ce qui comprend évidemment les investisseurs dans le marché immobilier).

Enfin, avant de demander d’autres lois, il serait intelligent de s’assurer d’avoir les moyens, à la fois techniques et humains, d’appliquer celles qui sont déjà en vigueur. Car si on avait appliqué les lois aux États-Unis par rapport au désastre de l’immobilier résidentiel, on aurait limité bien des dégâts.

Et c’est là un objectif plus réaliste que celui que de vouloir changer Wall Street…

Bernard Mooney

P.S. Il ne faut surtout pas faire croire aux épargnants que le milieu financier est devenu «sécure», bénin. Là, c'est les préparer pour un désastre...BM

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