Se regarder investir

Publié le 24/11/2011 à 09:58

Se regarder investir

Publié le 24/11/2011 à 09:58

Blogue. J’ai beaucoup réfléchi à Bill Miller ces derniers jours, ce gestionnaire réputé qui a récemment annoncé son départ à la direction du fonds Legg Mason Value Trust et sur lequel j’ai écrit en début de semaine.

Si je me fis à certaines réactions de lecteurs, j’ai laissé l’impression que les insuccès de M. Miller pourraient s’expliquer par le fait qu’il est brillant. Ce n’est pas cela du tout.

L’intelligence a son importance, jusqu’à un certain point. Mais il est faux qu’on peut faire un lien direct entre quotient intellectuel et résultats boursiers.

Il y a aussi l’attitude et la solidité émotives qui sont importantes. Ce qui en passant dans le cas de Bill Miller ne semble pas faire défaut. M. Miller a vraiment tout pour réussir.

Il y a un facteur peu étudié qui est peut-être entré en jeu dans son cas. Lorsqu’il est devenu «célèbre» alors qu’il battait le S&P 500 année après année, il a évidemment eu le «spotlight» médiatique sur lui. Et cela a peut-être provoqué des changements subtils dans sa façon d’appréhender la Bourse.

Les médias l’ont présenté comme pratiquement un Dieu de la Bourse. Je ne crois pas que Bill Miller s’est nécessairement laissé aller à se voir ainsi. Mais cela a peut-être exercé une influence, lorsque par exemple une partie de son portefeuille ne performait pas comme prévu. À un certain niveau, il est relativement facile de donner une forme humaine au marché boursier et s’engager dans une sorte de lutte à deux. Ce qui peut provoquer l’entêtement exagéré.

De plus, les médias et Bill Miller lui-même, par ses écrits, ont bâti une image assez définie de Bill Miller l’investisseur : patient, long terme, concentré, à contre-courant, etc.

Là encore se dessine un piège subtil et insidieux: Bill Miller n’investit plus comme Bill Miller, mais comme l’image de Bill Miller.

Et pour être certain de se conformer à cette image, le gestionnaire commence à se regarder investir. Ce qui est un grave danger.

Je suis convaincu que Bill Miller a tombé au moins en partie dans ces pièges.

En fait, la plupart des gestionnaires peuvent tomber dans ce panneau lorsque par exemple il se sentent examinés de trop près par leurs clients. Plus ou moins consciemment, ils examinent leurs décisions anticipant les réactions des clients, ce qui pollue leur travail, leur processus décisionnel avec des conséquences négatives.

La Bourse est assez complexe sans avoir à ajouter de tels effets pervers.

Lorsque je réfléchis à ce genre de situation, je ne peux m’empêcher de terminer ma réflexion en faisant un passage par Omaha où réside Warren Buffett. Ce dernier a bâti une structure pour limiter ce genre d’impacts au maximum parce qu’il sait qu’ils peuvent être importants et dangereux.

Bernard Mooney

P.S. Un petit mot pour remercier chaleureusement les plus de 200 personnes qui m'ont accueilli hier soir à Trois-Rivières. Ce fut très apprécié. B.M.

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