Un vent de renouveau souffle sur l'Orchestre symphonique de Québec. L'OSQ a recruté en France un jeune chef charismatique dont le style risque d'attirer l'attention autant que celui de Kent Nagano à Montréal. Mais, derrière la maestria et la jeunesse de Fabien Gabel, 36 ans, une femme dirige de main de maître un redressement financier et un virage marketing qui illuminent une partition qui paraissait sombre il y a quelques années.

Arrivée à la direction de l'OSQ en 2007, la flûtiste Sophie Galaise, docteure en musicologie, faisait face à un déficit accumulé d'un million de dollars, une vraie montagne dans une entreprise dont le chiffre d'affaires n'atteignait pas tout à fait les 6,5 millions de dollars (M$) et qui cumulait les déficits depuis une vingtaine d'années.

«On n'était pas loin de se placer sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers. Après plusieurs aides de sauvetage, les gouvernements avaient signifié qu'il fallait refaire nos devoirs», se souvient Mme Galaise.

Pouvoir rassembleur

Pour faire face à la musique, elle a comprimé les dépenses de 800 000 $ pendant sa première année en poste et elle a misé sur les événements du 400e anniversaire de Québec pour se rapprocher des gens et leur rappeler que l'OSQ avait un pouvoir rassembleur. La «Symphonie des mille» de Mahler, qui a réuni 1 000 choristes et instrumentistes, a été diffusée aux États-Unis par la plus importante radio privée classique (WFMT). Elle a aussi été entendue dans 48 pays d'Europe.

«Cela a ravivé la fierté dans une organisation qui avait subi plusieurs revers», note la directrice.

Faires les choses différemment

Ce rayonnement et les retombées du plan de développement stratégique conçu en 2009 ont généré de nouveaux revenus et même des surplus, si bien qu'aujourd'hui, les trois quarts de la dette de l'OSQ sont effacés. Le nombre d'abonnements a plus que doublé, à 6 500, et les ventes de passeports jeunesse sont passées de 100 à 450 - il n'y a plus seulement des têtes blanches dans l'assistance. Le succès de l'OSQ est d'autant plus remarquable que plusieurs orchestres canadiens et états-uniens se sont enfoncés dans le rouge ces dernières années. L'Orchestre de Philadelphie est devenu en avril le premier grand orchestre américain à se placer sous la protection de la loi des faillites. Son déficit en 2010 ? Six millions de dollars.

Sophie Galaise dira que le secret de sa réussite est la force de travail de son équipe. Mais celle qui a suivi le programme EMBA McGill-HEC et qui vient d'obtenir son diplôme a aussi eu l'audace de laisser de côté les méthodes conservatrices en marketing. En abandonnant la brochure de programmation sur papier glacé au profit d'un dépliant, l'organisation a économisé un dollar par exemplaire. Cela a permis d'augmenter la distribution. La grille de tarification a été revue pour rendre la musique classique plus accessible et, comme les vins à la SAQ, les concerts ont maintenant leurs pastilles, pour novices, connaisseurs, curieux ou familles.

«Tous les orchestres canadiens sont de vieux dinosaures, remarque Sophie Galaise. Les brochures présentent le chef en couverture et les oeuvres à l'intérieur comme si tout le monde les connaissait, ce qui n'est pas le cas. On a songé à donner des indications.»

L'arrivée du nouveau chef, une étoile montante à l'international, a aussi donné lieu à une campagne de marketing novatrice. Des affiches posées dans les abribus invitaient à visiter le site nouveauchefaquebec.com, piquant la curiosité en ne dévoilant pas s'il s'agissait de musique ou de cuisine. Par ailleurs, en décembre, les restaurateurs joignaient à la facture de leurs clients une photo du chef Fabien Gabel, avec l'adresse du site Internet. Sur le site, le chef français demande de l'aide pour mieux connaître l'âme des Québécois. Cette ouverture tant souhaitée par l'OSQ, qui cherchait plus qu'un maître de musique, va aussi attirer un nouveau public, espère-t-on.

Les ventes de billets des orchestres symphoniques aux États-Unis ont chuté de 8 % entre 2002 et 2007, à cause du vieillissement de leur public. En effet, les générations X et Y sont moins enclines à assister à des concerts de musique classique.

PROFIL

Nom : Orchestre symphonique de Québec

Fondation : 1902 (le plus ancien orchestre symphonique du Canada)

Nombre d'employés : 88 à temps plein (210 contractuels et à temps partiel)

Chiffre d'affaires : 7,5 M$

Dette au dernier exercice : 250 000 $, qu'on prévoit effacer d'ici deux ans

CE QU'IL FAUT RETENIR

Réussite : une image rajeunie et un marketing novateur sortent du rouge une vénérable institution culturelle, qui est aussi une PME.

valerie.lesage@tc.tc