Valeant Pharmaceuticals : une différence payante

Publié le 21/04/2012 à 00:00

Valeant Pharmaceuticals : une différence payante

Publié le 21/04/2012 à 00:00

Valeant ne fait pas les choses comme les autres pharmas. Oubliez la R-D qui vise le coup de circuit après des années de tests en laboratoire. Celle qui vient de déménager son siège social au Québec cible un rendement rapide de l'investissement à coup d'acquisitions. La prescription séduit les analystes, mais n'est pas sans risque.

Profitant d'une aide de six millions de dollars de Québec, le groupe de 5 000 employés a annoncé au début du mois le déménagement à Laval de son siège social mondial, en plus de la création d'un nouveau centre d'excellence en cosméceutique.

Valeant joue déjà sur un vaste terrain de jeu, mais elle ne cesse de l'agrandir. Sa formule : fabriquer une gamme très diversifiée de produits qui génèrent des revenus ou sont sur le point de le faire. Ses spécialités : la neurologie (gestion de la douleur, épilepsie, sclérose en plaques, etc.) et la dermatologie (psoriasis, eczéma, acné, etc.).

Si l'annonce d'avril a été considérée comme plus symbolique pour ce secteur en difficulté que créatrice d'emplois (rappelons-nous les licenciements récents chez AstraZeneca, Johnson & Johnson et Sanofi-aventis), elle en disait long sur la capacité de cette entreprise de continuellement se réinventer.

Une machine à acquisitions

Valeant est une machine à acquisitions. Au cours de son dernier exercice, elle a réalisé pas moins de 11 achats. Résultat : elle a doublé ses ventes, les faisant passer de 1,2 G$ en 2010 à 2,4 G$ en 2011. Elle a également triplé son bénéfice net, à 956 M$ US.

Une croissance qui devrait se poursuivre cette année si l'on en croit les prévisions de revenus, que la direction évalue à entre 3,1 et 3,4 G$ en 2012, et la hausse de son bénéfice par action qu'UBS établit à environ 45 %.

La stratégie de la pharmaceutique plaît aux investisseurs. Son titre a connu le rendement le plus élevé des pharmaceutiques inscrites à l'indice S&P 500 de la Bourse de New York au cours des trois dernières années. Il a produit un rendement annuel composé de 73 % depuis trois ans, par rapport à 50,8 % dans l'industrie.

Un rendement qui repose sur une formule unique, concoctée par J. Michael Pearson, un ancien de la firme de consultants McKinsey & Company, président et chef de la direction depuis 2008. Il est considéré comme le cerveau derrière le succès de cette ex-entreprise californienne, devenue canadienne à la suite de sa fusion monstre de 3,2 G$ avec l'ontarienne Biovail en 2010.

«Si nous investissons dans cette société, c'est surtout en raison de cet homme d'exception, complètement différent des autres dirigeants de cette industrie», résume François Rochon, président du gestionnaire de portefeuilles Giverny Capital. «Il se comporte comme un investisseur ; je le qualifie de value investor president. Il agit sans émotion dans ce milieu souvent dominé par d'anciens professionnels de la recherche.»

Valeant traverse-t-elle une période de croissance euphorique de courte durée ? «Oh que non», nous assure son président au cours d'un entretien, insistant sur le fait qu'en moins de quatre mois, en 2012, son entreprise a déjà réalisé six acquisitions, au Brésil, en Russie et aux États-Unis. «Les occasions d'achats se présentent par milliers. À ce rythme, il est aisé de croire que nous dépasserons en 2012 le nombre d'acquisitions de 2011.»

Valeant met les bouchées doubles pour atteindre un ambitieux objectif : devenir un des 15 plus grands groupes pharmaceutiques du monde d'ici la fin de 2013.

Une telle stratégie prédatrice n'est pas sans risque. Elle pourrait mener à un gonflement incontrôlable de sa dette, le sort qu'a subi la société montréalaise Garda World il y a quelques années. «Payer le moins possible, c'est là le meilleur moyen de garder un niveau d'endettement raisonnable», dit M. Pearson.

Discipline. Voilà une des qualités que les analystes apprécient surtout chez ce gestionnaire. Il a la réputation de battre en retraite au moindre signe de surenchère lorsqu'il négocie l'acquisition d'une société. Deux exemples récents : les projets d'acquisition mort-nés de Cephalon et d'ISTA, deux entreprises inscrites en Bourse que la direction a laissées aller à d'autres prétendants après avoir déposé une offre d'achat.

La dette à long terme de la pharma s'élève à 6,6 G$ US, soit à environ 3,9 fois son bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) de 2011. Un niveau que David Krempa, de Morningstar, qualifie de «gérable», pourvu que Valeant évite les transactions de très grande taille. Pour ses 11 transactions de 2011, Valeant a payé une moyenne de 2,4 fois les revenus de l'entreprise, un prix que Lennox Gibbs, de Valeurs mobilières TD, juge raisonnable.

La R-D, très peu merci

Au-delà de son appétit avoué pour l'achat de PME, le modèle d'entreprise de Valeant se distingue surtout de celui de la plupart des sociétés de son secteur, par sa stratégie qui consiste à investir le moins possible en R-D.

Au cours du dernier trimestre de 2011, elle a consacré 16,8 M$ à la R-D, soit 2 % de ses revenus, par rapport à 18,3 M$ ou 4 % de ses revenus au cours de la même période un an plus tôt. Avant 2008, ses dépenses en R-D dépassaient les 15 %.

Pour M. Pearson, pas question d'investir sans obtenir un rendement adéquat. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, selon lui. Au cours des deux dernières décennies, les investissements en R-D n'ont pas donné les rendements souhaités aux investisseurs. «Nous avons donc décidé que notre innovation, nous la tirerions surtout de l'achat de produits déjà lancés, ou sur le point de l'être parce qu'ils sont à la dernière étape de leur développement clinique», résume le pdg.

Cette stratégie a le désavantage de priver Valeant de l'exclusivité de vente d'un produit que confère un brevet. En contrepartie, elle protège contre les risques d'investir dans le développement de produits coûteux, qui offrent peu de débouchés commerciaux. Une approche saluée par les analystes.

Résultat, au lieu de se concentrer sur le développement de 4-5 médicaments phares, comme la plupart des pharmaceutiques traditionnelles, Valeant détient un portefeuille d'environ 400 produits de soins neurologiques et dermatologiques, dont aucun ne compte pour plus de 10 % de ses ventes, et que l'entreprise tente de vendre dans des marchés spécifiques.

«Nous n'avons aucune intention de planter notre drapeau partout sur la planète. Nous choisissons les pays où nous oeuvrons en fonction des perspectives de croissance de la population et de leurs revenus, de l'importance des budgets consacrés à la santé et de l'environnement concurrentiel d'autres pharmaceutiques», insiste M. Pearson.

Cette grande diversification, tant sur le plan géographique que des produits, plaît aux analystes. À leurs yeux, elle s'apparente à la stratégie de portefeuille équilibrée, recommandée aux investisseurs. «Valeant cherche à créer le maximum de richesse pour ses actionnaires en les exposant à un minimum de risques», se réjouit François Rochon.

Une observation qui sonne comme de la musique aux oreilles du patron de Valeant. «L'entreprise a été conçue pour créer de la valeur pour nos actionnaires. Oui, nous voulons être justes envers nos employés. Oui, nous voulons offrir de bons produits à nos patients et aux médecins, en plus d'être une entreprise socialement responsable. Nous voulons tout cela. Mais au final, nous devons tenter de générer le maximum de rendement pour nos propriétaires. C'est notre objectif.»

Sites de production

Canada, Pologne, Serbie, Brésil et Mexique.

SIGNES VITAUX :

Nombre total d'employés 5 000 dont 326 au Québec

Revenus en 2011 2,46 G$

Bénéfice net par action 2,93 $

Flux de trésorerie ajustés 925 M$

Encaisse 570 M$

Dette à long terme 6,6 G$

Croissance interne + 9%

Source : Valeant Pharmaceuticals International

400

Nombre de produits que Valeant possède ou distribue sous licence dans le monde.

martin.jolicoeur@tc.tc

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