Si seulement Calvin avait parlé d'argent aux Québécois

Publié le 14/04/2012 à 00:00

Si seulement Calvin avait parlé d'argent aux Québécois

Publié le 14/04/2012 à 00:00

On le sait, les Québécois francophones entretiennent un rapport torturé avec l'argent. Mais c'est peut-être ce qui explique que nous ayons également un lien distant avec la philanthropie et le bénévolat.

Année après année, les différents bilans confirment que les dons de charité sont plus faibles au Québec que partout ailleurs au pays. Et ce n'est pas uniquement le chéquier qui est paresseux. Au chapitre de l'engagement, ou du bénévolat, nous nous classons également bons derniers, selon les compilations de Statistique Canada et de l'Institut Fraser.

Après ça, allez vous vanter de faire partie d'une société moins mercantile, comme on l'entend souvent, ou vous égosiller en clamant «So-so-solidarité» à la première manifestation venue... Comment expliquer ces réticences ou, pire, cette indifférence ? Nous ne devons quand même pas être si égoïstes que ça ?

Mais si on en faisait, du bénévolat, sans même le savoir ? La pdg sortante de Centraide du Grand Montréal, Michèle Thibodeau-Deguire, a eu l'occasion de côtoyer la communauté anglophone dans sa jeunesse et elle évoque la différence entre les termes.

«En anglais, on parle de volunteering, d'une relation d'aide quelle qu'elle soit, souvent informelle, et qui s'applique parfois à des situations apparemment anodines, dit-elle. Or, le bénévolat, lui, fait référence à un engagement plus structuré. Mais on peut donner du temps dans bien des circonstances sans même appeler ça du bénévolat... et ne pas comptabiliser le temps passé.»

Il reste que les Québécois donnent moins, du temps comme de l'argent, et c'est gênant. Encore que...

Sur le fond de la question, Pierre-Marie Cotte a sa petite idée, lui qui est chargé de cours en gestion philanthropique à l'Université de Montréal. Il se réfère à Calvin, le grand théologien suisse qui est devenu un des principaux artisans de la Réforme, au 16e siècle, aux côtés de Luther, Zwingli et quelques autres. Dans l'imagerie populaire, les calvinistes sont associés à la rigueur et à l'austérité. Mais la Suisse n'est pas précisément un pays pauvre détaché des biens de la terre... Comment en est-on arrivé à concilier réussite, richesse et frugalité ?

Essentiellement, Calvin disait : «Faire de l'argent est signe de bénédiction divine. Il est important de réussir, mais cet argent ne me revient pas personnellement. Il est important de partager avec la communauté.» C'est ce que rappelle M. Cotte, qui signale au passage que le même principe s'applique dans la communauté juive et dans bien d'autres milieux, alors que les catholiques de souche, eux, ont traditionnellement mal accepté l'idée même de la richesse.

«Cette distinction culturelle est importante dans la compréhension du phénomène québécois», dit-il, lui qui parle d'expérience après avoir passé plus de 20 ans à oeuvrer au sein de Centraide du Grand Montréal. Et il voit un deuxième facteur clé dans notre retard en philanthropie.

Le Québec s'en est longtemps remis à des institutions religieuses pour prendre soin des pauvres, des malades et autres démunis. L'État Providence a suivi, mais notre dépendance, elle, est demeurée la même. La mentalité nationale veut que le gouvernement s'occupe des problèmes. Dans ce cas, pourquoi se forcer ? Oui pour le bénévolat, mais ça dépend si on a le temps...

C'est vrai que l'autoflagellation n'est pas la meilleure source d'inspiration et qu'il vaut peut-être mieux regarder en avant que de ressasser nos petites misères, d'autant plus que l'évolution est réelle. Il y a 20 ans, souligne Pierre-Marie Cotte, United Way, de Winnipeg, pouvait compter sur 600 grands donateurs qui lui versaient 1 000 dollars et plus, alors que son équivalent montréalais Centraide n'en avait que 300. Aujourd'hui, le rapport s'est quasiment inversé.

«C'est simplement une question de norme», dit-il. Si on a au départ le réflexe de donner 20 dollars, il faudrait le modifier pour plutôt passer à 30 dollars. Idem pour les plus gros montants. Idem pour le temps alloué à aider les autres. Il nous faut brasser les idées reçues qui remontent à l'ancien temps.

Les cyniques diront que de toute façon, la charité et le bénévolat ne représentent toujours qu'un soulagement éphémère. Allez donc le dire aux enfants défavorisés qui peuvent enfin déjeuner, ou aux personnes âgées délaissées qui reçoivent enfin de la visite à l'hôpital ! Et rappelez-vous qu'une véritable attention aujourd'hui vaut plus que de vagues promesses pour demain.

DE MON BLOGUE

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Vos réactions

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- dan.gagnon

«Sauf erreur, avec le crédit d'impôt, ce n'est pas 325 $, mais plutôt 200 $ environ. Combien de 200 $ les étudiants ont-ils dépensé depuis le début de la grève ?»

- Lé

rene.vezina@tc.tc

blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

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