On est plus productif quand on a ses 10 doigts !

Publié le 07/07/2012 à 00:00

On est plus productif quand on a ses 10 doigts !

Publié le 07/07/2012 à 00:00

«Notre expérience dans l'acquisition d'entreprises en difficulté nous a appris que, quand la santé-sécurité est mal gérée, tout est mal géré», affirme Sam Ramadori, vice-président, développement des affaires et affaires corporatives de Maax, pour illustrer en quoi la santé des travailleurs est gage de productivité.

Et le fabricant de bains, de douches et de portes de douche, en faillite en 2008 avant d'être racheté par la société d'investissement Brookfield, de Toronto, ne faisait pas exception à la règle.

En 2006, 96 accidents sont survenus à l'usine de Lachine, surnommée Tchernobyl par les employés. Calculer les coûts de l'absentéisme causés par les accidents du travail est un leurre. L'ampleur des coûts réels de la négligence généralisée dont parle M. Ramadori, l'impact sur le moral des employés, la démobilisation, la perte d'expertise et autres conséquences négatives sont aussi importants que difficiles à cerner.

«Si on ne s'était pas attaqué au problème de la santé- sécurité, on ne serait plus là», lance Marc Medza, directeur de l'exploitation de l'usine de Lachine de Maax. Lachine, où se situe le siège social de Maax, est la seule des huit usines (dont trois au Québec) à fabriquer des portes de douche, les sept autres produisant des baignoires. Cette immense usine de 280 000 pieds carrés (26 000 m2) emploie 250 personnes, dont 157 travailleurs syndiqués.

«Si tu travailles sur la réduction des coûts de production et que tu oublies la santé- sécurité, tu passes complètement à côté», ajoute Daniel Fournier, superviseur santé-sécurité de l'établissement.

Fini le taylorisme

Quand M. Medza est arrivé chez Maax en novembre 2004, juste après sa vente par la famille beauceronne Poulin à J.W. Childs Equity Funding III, de Boston (majoritaire), c'était le chaos. M. Medza a amorcé une réflexion en profondeur : organisation du travail, flux des matières, analyse de risques, etc. Daniel Fournier est arrivé pour lui prêter main-forte en août 2006.

Et lorsque Brookfield a racheté l'entreprise en 2008, il n'a pas été question d'appeler des consultants à l'aide. «Le changement ne vient jamais de l'extérieur», dit M. Ramadori, désigné par Brookfield pour accompagner le redressement de Maax.

L'action a suivi cette réflexion. Ainsi, le bon vieux travail à la chaîne a été abandonné. «Travail à la chaîne égale mouvements répétitifs, avec toutes les maladies en "ite" [tendinite, bursite, épicondylite, etc.] qui en découlent. Maintenant, chaque employé fait seul un produit au complet, explique M. Fournier. En plus d'éliminer les "ite", c'est beaucoup plus stimulant pour nos employés et ça augmente leur productivité.»

En même temps, tout le matériel a été passé en revue : les tapis de caoutchouc contre la fatigue, l'ergonomie des postes de travail, les couteaux des machines, l'équipement de protection, etc. En tout, 304 analyses des risques ont été effectuées ; 75 % de ces risques ont été corrigés jusqu'à maintenant.

«Je prends une machine et je regarde l'employé travailler, explique M. Fournier. Et là, je me demande s'il peut se mettre un doigt où il ne faut pas, s'il peut se couper, se faire mal au dos, s'il répète trop souvent le même geste, etc. Et j'accorde des points à chaque risque. Plus le pointage est élevé, plus il faut intervenir rapidement.»

«Si le risque est trop élevé, on peut même mettre le cadenas sur la machine, au détriment des clients», affirme M. Medza.

Des mesures concrètes

Des affiches géantes encourageant les bons comportements en matière de santé et sécurité ont été accrochées aux murs de l'usine. M. Fournier se promène régulièrement dans l'usine pour photographier les mauvaises et les bonnes procédures.

Sur le chemin qui mène à la cafétéria, un tableau rempli de ses photos interpelle les employés : une valve de sécurité cachée par une palette, une flaque d'huile au sol, une caisse de vitres pas attachée par une courroie, un passage bloqué, un conducteur de chariot élévateur descendant de son véhicule de la mauvaise façon, etc. Le tableau ne manque pas de récompenser de sa photo l'employé du mois en matière de santé et sécurité.

Des barrières ont été installées sur les passages piétonniers dans l'usine pour obliger les travailleurs à regarder à gauche et à droite avant de traverser les allées. Des appareils ont été installés à plusieurs endroits pour soulever les boîtes. Maax a fait concevoir quatre tables hydrauliques qui s'ajustent à la taille des travailleurs et aux différentes opérations. Un «rideau optique» arrête instantanément la scie lorsque l'opérateur le franchit. Les 24 secouristes portent tous un dossard qui les identifie.

Au début de tous les quarts de travail, les employés s'adonnent à une séance de réchauffement en plus d'avoir une petite réunion de 10 minutes portant sur la santé-sécurité. Ce sont là quelques exemples concrets de mesures qui ont été mises en place depuis 2006. «Un risque calculé, ça n'existe pas», estime M. Fournier, qui donne des cours de moto dans ses temps libres.

Du patron qui s'occupe de la santé de ses employés, Maax est prête à passer à l'étape suivante, celle où les employés s'occupent de la santé de leurs collègues. «On veut passer le message "prends soin de ton copain", explique M. Fournier. On veut que, quand un travailleur prend un risque inutile, les autres le lui disent.»

La direction de Maax essaie de s'adresser aux émotions de ses employés. «Le message porte davantage si vous leur dites que, s'ils se blessent, ils ne pourront peut-être plus jouer avec leur petit garçon. Ou que leur petite fille n'aimerait pas qu'il manque un doigt à la main de leur papa», raconte M. Fournier.

«Quand nous achetons une entreprise et que nous disons aux employés que nous allons prendre soin d'eux, l'impact est très positif, affirme M. Ramadori. Ils sentent qu'on n'a pas acheté juste pour faire de l'argent sur leur dos.»

DE 96 À 7 ACCIDENTS EN CINQ ANS

Les efforts de Maax pour combattre le risque ont porté leurs fruits ; de 96 accidents en 2006, Maax est passé à 7 l'an dernier et à 1 seul depuis le début de 2012. Le service de l'expédition, qui était le pire de l'usine, a connu une séquence de 920 jours (plus de 2 ans et demi) sans accidents. «Nous avons divisé l'usine en cinq secteurs et quand chacun atteint un certain nombre de jours sans accidents, nous faisons tirer des prix», précise Marc Medza, directeur de l'exploitation de l'usine de Lachine de Maax, qui visite régulièrement d'autres usines, comme celle de BRP, Novabus, Bell Helicopter et Bombardier, pour y dénicher de bonnes idées en matière de santé et sécurité. «On est même rendu au point où ce sont d'autres, comme Pratt & Whitney, qui viennent nous visiter», ajoute-t-il fièrement. Les cotisations à la Commission de la santé et de la sécurité du travail ont-elles baissé ? Pas encore ! Comme celles-ci sont établies en fonction des performances des cinq dernières années, Maax devra attendre encore un peu pour voir ses cotisations diminuer.

240 Nombre d'accidents au travail qui surviennent chaque jour au Québec Source : CSST

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