«Nous contribuons à la survie des régions» - Carlo Petrini, fondateur du mouvement Slow Food

Publié le 21/01/2012 à 00:00

«Nous contribuons à la survie des régions» - Carlo Petrini, fondateur du mouvement Slow Food

Publié le 21/01/2012 à 00:00

Par Diane Bérard

Le Times le classe parmi «les héros de notre temps». L'Italien Carlo Petrini dirige le mouvement Slow Food, qu'il a fondé en 1989. Il milite pour une nourriture bonne, propre et saine. Charismatique, politique, stratégique, il s'est trouvé à la bonne place, au bon moment, avec le bon discours. Je l'ai rencontré à Paris.

LE CONTEXTE

Le mouvement Slow Food conjugue plusieurs tendances : la consommation locale, le développement durable, le développement régional, la saine alimentation.

SAVIEZ-VOUS QUE

Carlo Petrini, ex-chroniqueur de vin, aurait imaginé Slow Food avec des amis, un soir où il était passablement éméché.

Diane Bérard - Qu'est-ce que le mouvement «Slow Food» ?

Carlo Petrini - C'est une conception différente du système de production alimentaire qui se situe en marge de la production de masse. Nous réagissons au fast food pour renouer avec les traditions gastronomiques locales et le plaisir alimentaire. Nous faisons aussi la promotion de la biodiversité.

d.b. - Est-ce une charge contre la production de masse ?

c.p. - Pas du tout. Je ne m'oppose ni à la grande industrie ni aux formules intensives, à condition que cohabitent aussi d'autres modèles tels de petits producteurs et de petits distributeurs. Il faut respecter toutes les formules et lutter contre l'arrogance des grandes entreprises. Nous pouvons parler de développement durable tout notre soûl, cela ne sert rien. Notre modèle de développement tel que conçu présentement n'est pas durable. Il faut le changer pour qu'il le devienne. Le secteur agricole, par exemple, produit des aliments qu'on met à la poubelle ensuite. Aux États-Unis, on jette 22 000 tonnes de nourriture par jour.

d.b. - Comment les petits producteurs peuvent-ils gagner leur vie en marge du système ?

c.p. - Grâce à la complicité des consommateurs. Si le consommateur devient «responsable», qu'il travaille directement avec le producteur, notre mouvement se développe. Mais si le consommateur se laisse influencer par la publicité et le lobby des grands groupes de distribution, il est évident que le petit producteur n'arrivera jamais à gagner sa vie.

d.b. - Slow Food a élaboré sa filière de distribution et de commercialisation. Sur quoi repose-t-elle ?

C.P. - D'abord, nous organisons des foires, des marchés et des événements locaux et internationaux, comme le Salon du Goût, Cheese et Slow Fish. Ces événements permettent aux producteurs d'exposer leurs produits et de rencontrer les consommateurs. Nous nouons des liens avec les circuits de distribution alternatifs, comme les marchés de producteurs et les groupes d'acheteurs.

d.b. - Vous inscrivez votre mouvement dans la troisième révolution industrielle. Expliquez-nous cela.

c.p. - Cette révolution est celle de l'informatique et des énergies renouvelables. Pour survivre, les petits producteurs doivent développer leur communauté, et c'est sur Internet qu'ils s'appuient pour y arriver. Grâce à leur ordinateur, les nouveaux paysans vendent leur confiture de dattes à partir de leur village dans le Sahara. C'est à la campagne qu'Internet trouve sa plus grande justification. Quant au dossier des énergies renouvelables, si les petits producteurs sont futés, ils vont se les approprier et en tirer profit. Ce sont, de loin, les mieux placés pour les exploiter.

d.b. - Quelle est la plus importante contribution économique du mouvement Slow Food ?

c.p. - Nous sommes les «sentinelles du territoire», nous contribuons à la survie et au développement des régions. Nos producteurs se situent au premier rang de ceux qui sauvegardent le paysage et assurent le développement durable.

d.b. - Slow Food semble un concept plutôt élitiste associé à des consommateurs fortunés...

c.p. - Si vous estimez que le plaisir alimentaire est réservé aux riches, que les pauvres n'y ont pas droit, il est normal que vous pensiez ainsi. Pour ma part, j'estime que tous les citoyens ont droit à des aliments sains et goûteux.

d.b. - Votre mouvement a entamé une bataille politique. Laquelle ?

c.p. - Près de 80 % des subventions et de l'aide de l'Union européenne à l'industrie alimentaire sont accordés à 10 % des producteurs. Slow Food veut que ces sommes soient réparties plus équitablement. Il faut modifier les politiques nationales de l'Union européenne.

d.b. - Dans quelle région votre mouvement est-il le plus populaire ?

c.p. - Aux États-Unis. Je suis étonné de la vélocité avec laquelle les Américains ont embrassé notre mouvement. En 1995, j'ai ouvert à Chicago le premier marché paysan. En 1997, un deuxième a vu le jour en Nouvelle-Orléans. En 2000, nous en étions à 300 marchés ; en 2005, à 3 000 et, l'an dernier, à plus de 8 000.

d.b. - Comment expliquez-vous la plus grande popularité de votre mouvement aux États-Unis, pays de la malbouffe, qu'en Europe ?

c.p. - Le sentiment d'urgence et la sensibilisation y sont plus élevés. La question sanitaire angoisse beaucoup les Américains, ce qui les rend plus ouverts à une agriculture propre. De plus, les coûts de l'obésité occupent l'avant-scène. La croissance des maladies cardiovasculaires causées par une mauvaise alimentation aussi. Cela explique l'intérêt à l'égard de notre mouvement. Pour l'instant, on ne peut pas espérer un tel engouement en Italie, par exemple. Le sentiment d'urgence y est moins présent, car la tradition de bonne nourriture, la «cuisine de la maman», demeure forte.

diane.berard@tc.tc

twitter.com/ diane_berard

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