Murdoch paiera cher pour avoir sacrifié l'éthique à la cupidité

Publié le 23/07/2011 à 00:00

Murdoch paiera cher pour avoir sacrifié l'éthique à la cupidité

Publié le 23/07/2011 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

Rupert Murdoch est (ou était) probablement le magnat de presse le plus puissant de la planète. Fondateur de News Corp., qui possède notamment le Wall Street Journal (WSJ), le Times de Londres et la chaîne Fox News, il est reconnu pour son audace et son sens des affaires, mais craint par la classe politique, qu'il ne s'est jamais privé de manipuler.

D'abord allié de Margaret Thatcher, Murdoch a ensuite appuyé Tony Blair, qui le consultait pour s'éviter les critiques dans ses journaux. Il a ensuite soutenu David Cameron, premier ministre depuis mai 2010 et ami personnel de Rebekah Brooks et d'Andy Coulson, des ex-dirigeants de News of the World (NOTW) récemment arrêtés par la police. Ils sont les 9e et 10e personnes à l'être depuis l'éclatement du scandale de l'écoute électronique par NOTW, qui se spécialisait dans les faits divers et les scandales de célébrités. Malgré un tirage de 2,7 millions d'exemplaires, NOTW, premier journal britannique acquis par Murdoch, a été fermé récemment pour tenter de calmer la tempête qui déferle.

Brooks, une protégée du magnat australien, était directrice des journaux britanniques de News Corp. Elle a été éditrice de NOTW de 2000 à 2003, lorsque le journal a commencé à pratiquer l'écoute électronique. Coulson, son successeur, a été en poste de 2003 à 2007, avant de devenir directeur des relations de presse du Parti conservateur, puis directeur des communications du premier ministre. Coulson avait été soupçonné de complicité lors de l'enquête sur l'écoute électronique qui a eu lieu il y a quelques années, mais cela n'avait pas ébranlé l'amitié de Cameron. Le scandale a fait d'autres victimes, dont Les Hinton, ami et confident de Murdoch depuis 52 ans. Hinton était à la tête de Dow Jones, éditeur du WSJ, après que News Corp. eut acheté ce groupe de presse, en 2007. Il dirigeait les journaux britanniques de Murdoch quand le scandale a éclaté. Brooks et Hinton ont été sacrifiés.

Autre conséquence majeure de cette saga, Sir Paul Stephenson et John Yates, respectivement chef et commissaire adjoint de Scotland Yard, ont démissionné. Le premier s'est dit incapable de bien faire son travail dans le climat actuel. Et on reproche au second d'avoir bâclé l'enquête sur l'écoute téléphonique, en 2007, et d'être proche de Neil Wallis, ex-éditeur adjoint de NOTW, recruté à titre de consultant par Scotland Yard. Rebekah Brooks a admis que le journal avait payé des policiers pour obtenir des informations. On sait aussi que NOTW a nui à une enquête policière sur un de ses détectives privés. Des cadres du journal ont même pris 18 repas avec le chef de Scotland Yard pendant l'enquête sur l'écoute électronique.

Le premier ministre Cameron est dans l'embarras en raison du manque de jugement qu'il a démontré en embauchant Coulson, de la crise que vit Scotland Yard et de ses relations personnelles avec Murdoch et ses lieutenants. Il a dû se résoudre à lancer une enquête sur le copinage entre les médias, les politiciens et la police. Il a aussi promis de renforcer les pouvoirs de l'organisme de surveillance des pratiques des médias. Londres devra aussi se pencher sur le projet de News Corp. d'acheter, au coût de 12 milliards de dollars, les 61 % des actions du réseau satellitaire BSkyB qu'elle ne possède pas. Pour le moment, le projet a été mis de côté par Murdoch.

Un empire fragilisé

Murdoch a beau multiplier les excuses, l'affaire est loin d'être terminée. Des 4 000 personnes qui font l'objet de 11 000 pages de notes résultant de l'écoute électronique, seulement 170 en ont été avisées. Les poursuites civiles se multiplient.

Alors que Murdoch était craint de tous, on ne se gêne plus pour dénoncer son arrogance, sa cupidité et son manque d'éthique. "Il a ce qu'il mérite", a commenté Richard Branson, fondateur de Virgin.

Aux États-Unis, des membres de la famille Bancroft disent regretter de lui avoir vendu Dow Jones et le WSJ. Des membres du Congrès demandent une enquête sur des allégations d'écoute électronique de familles des victimes de la tragédie du 11 septembre 2011.

Que retenir de cet immense scandale ?

1. Rupert Murdoch a fermé les yeux sur le manque d'éthique dans son entourage. Il n'a pas donné l'exemple attendu d'un chef de la direction respectable et d'un propriétaire de journaux responsable.

2. News Corp. est affaiblie et pourrait devoir créer une entité séparée pour ses journaux.

3. Murdoch pourrait être appelé à quitter son poste de chef de la direction de News Corp.

4. Les politiciens doivent se méfier des profiteurs et de tout compromis susceptible de les mettre en situation de dépendance.

MON COMMENTAIRE

J'aime

L'Agence du revenu du Canada enquêtera dans 146 villes du Québec afin d'obtenir des preuves de paiement pour les services rendus par leurs sous-traitants au cours des quatre dernières années. Il importe que tous les contribuables paient les taxes et les impôts exigés par la loi. Autrement, ce sont les honnêtes contribuables qui subissent les coûts de l'évasion fiscale. Il est significatif que cette enquête soit limitée au Québec.

Je n'aime pas

Une journée après que le ministre fédéral des Transports et des Infrastructures, Denis Lebel, eut refusé de rendre publics des rapports d'analyse structurelle du pont Champlain, sous prétexte que leur contenu pourrait inquiéter la population, le bureau de Stephen Harper a autorisé la diffusion d'un rapport proposant différentes solutions de remplacement de l'infrastructure actuelle. Le ministre refuse de donner l'échéancier menant à une décision d'Ottawa dans ce dossier. Ce manque de leadership est à la fois inquiétant pour les usagers et méprisant pour la population. Le remplacement du pont Champlain n'est-il pas une question d'intérêt public de première importance ?

jean-paul.gagne@transcontinental.ca

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