Le gel des droits de scolarité ferait plus de chômeurs instruits

Publié le 13/10/2012 à 00:00

Le gel des droits de scolarité ferait plus de chômeurs instruits

Publié le 13/10/2012 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

La crise étudiante du printemps dernier a mis en lumière un constat dont personne n'ose parler : les étudiants universitaires qui ont boycotté leurs cours délibérément provenaient le plus souvent de disciplines «molles» (philosophie, sociologie, histoire, littérature, cinéma, etc.) pour lesquelles les perspectives d'emploi sont médiocres.

Une fois sortis de l'université, plusieurs d'entre eux risquent de se retrouver dans la vente au détail, la restauration, des centres d'appels et des services de soutien. Il ne faut pas s'étonner qu'ils aient réclamé le gel des droits de scolarité et même leur abolition dans le cas de la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante.

Cette situation illustre le haut taux de surqualification des Québécois. Selon l'Institut de la statistique du Québec (Flash-info, septembre 2012), il y avait au Québec en 2011 un taux de surqualification de 30 % chez les hommes et de 34 % chez les femmes parmi 3,2 millions de salariés (autres que gestionnaires) répartis également entre les deux sexes. Cette surqualification n'est pas propre au Québec, le Canada étant l'un des pires pays à ce titre, avec un taux de 37 % chez les 25-29 ans, selon l'OCDE.

C'est un fait qu'il ne faut pas négliger dans le contexte des revendications étudiantes. En effet, une prolongation du gel des droits de scolarité, comme le réclament deux associations étudiantes, aurait pour effet pervers de maintenir sur les bancs de plusieurs facultés des étudiants non désireux de rejoindre rapidement le marché du travail et même de former davantage de chômeurs instruits.

C'est une préoccupation que devra avoir le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie, Pierre Dufresne, lorsqu'il présidera le sommet sur l'éducation supérieure promis par son parti dans la foulée du conflit étudiant. Les récalcitrants sont retournés en classe, mais les associations étudiantes maintiennent leurs revendications sur les droits de scolarité, l'accessibilité aux études supérieures, la gouvernance des universités et leur financement.

Alors qu'il amorce ses consultations en vue du sommet, Pierre Dufresne a mis en doute le sous-financement des universités, comme s'il préparait le terrain à un recul du gouvernement malgré un engagement contraire. Cela étonne d'autant plus que son parti et la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec avaient établi ce financement à 375 millions de dollars dans un rapport conjoint en 2002. Depuis, cet écart a été réévalué à plus de 600 M$.

Les thèmes suggérés par les étudiants ne sont pas sans pertinence, mais ils sont loin d'être suffisants. Bien entendu, la question financière est inévitable, autant pour les étudiants (faire payer leurs études par les autres) et les universités (avoir une marge de manoeuvre accrue) que pour le gouvernement (limiter son apport financier), mais elle est accessoire.

Compétitivité et spécialisation

La question fondamentale est plutôt de savoir ce que la société québécoise attend de ses universités :

- Quel niveau d'excellence et de compétitivité veut-on pour nos universités ?

- Désire-t-on des universités accessibles à la masse ou réservées aux plus talentueux, de façon à en maximiser le rendement ?

- Veut-on des universités plus spécialisées quant aux disciplines, en recherche ou en enseignement, afin de leur permettre de développer des expertises particulières au lieu d'essayer de tout faire en même temps ?

- Devrait-on déréglementer les droits de scolarité pour que certaines universités puissent viser les plus hauts niveaux internationaux dans certaines disciplines ?

- Devrait-on moduler les droits en fonction du coût de formation des disciplines offertes ?

- Pourrait-on réduire les admissions dans les facultés qui forment des chômeurs et les accroître là où les besoins sont plus grands ?

- Peut-on faire en sorte que les programmes forment des diplômés qui répondent réellement aux besoins du marché au lieu de laisser se perpétuer des facultés et des écoles qui sont surtout au service des professeurs ?

En résumé, veut-on des universités qui sont vouées au développement de la société québécoise dans son ensemble, au lieu d'être asservies aux intérêts de groupes particuliers (professeurs, étudiants, entreprises) ?

L'optimisation de nos universités demanderait beaucoup de courage. Nous saurons bientôt jusqu'où le gouvernement voudra aller.

MON COMMENTAIRE

J'aime

Les enquêtes sur des irrégularités commises dans l'obtention de contrats par SNC-Lavalin sont sans doute pénibles pour 99,9999 % des employés de la firme canadienne de génie-conseil, mais ceux-ci continuent de faire leur travail. Après deux contrats majeurs décrochés au Chili en septembre, SNC-Lavalin a obtenu le contrat de conception et de réalisation d'un projet de transport en commun de 1,4 milliard de dollars en Colombie-Britannique.

Je n'aime pas

Au lieu de considérer nos aéroports comme des moteurs de développement économique, les pouvoirs publics les voient plutôt comme des vaches à lait. En partie à cause des taxes, des tarifs et des loyers exigés auprès des sociétés de gestion des aéroports par le fédéral (Ottawa est toujours propriétaire de l'essentiel des installations), les aéroports canadiens ne sont pas concurrentiels par rapport aux aéroports américains situés près de la frontière. Résultat : cinq millions de Canadiens ont utilisé ces aéroports en 2011. Selon le Conference Board du Canada, l'aéroport Pierre-Trudeau a ainsi perdu 803 000 passagers au profit de ceux de Burlington et de Plattsburgh.

jean-paul.gagne@tc.tc

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