Le conflit de travail à Alma et les limites d'un modèle

Publié le 21/01/2012 à 00:00

Le conflit de travail à Alma et les limites d'un modèle

Publié le 21/01/2012 à 00:00

La présence de grandes industries dans une région peut constituer une bénédiction... mais peut également devenir son talon d'Achille.

Il y a quelques années, lors d'une tournée au Saguenay-Lac-Saint-Jean, je me suis arrêté dans une des nombreuses fromageries qui font sa réputation pour y discuter de l'état de l'économie. La personne qui m'a reçue m'a fait part d'un phénomène qu'on retrouve un peu partout au Québec, là où de grandes entreprises dominent le paysage : la difficulté pour une PME de recruter du personnel spécialisé.

La raison est simple. Les salaires et avantages sociaux que versent les Rio Tinto Alcan de ce monde sont meilleurs que ceux que peuvent offrir des petites ou des moyennes entreprises. Par un réflexe tout à fait légitime, les aspirants travailleurs rêvent de décrocher le gros lot et ignorent les offres d'emploi aux conditions moins alléchantes, du moins à première vue.

Ma fromagerie cherchait depuis six mois, en vain, une adjointe administrative comptable. Le salaire proposé était loin d'être misérable, mais il ne pouvait rivaliser avec ceux que payaient les grandes industries des environs, papetières ou autres. Le poste demeurait désespérément libre. Et la personne de soupirer qu'il lui faudrait probablement baisser ses exigences et embaucher un(e) candidat(e) moins qualifié(e), en espérant que ses compétences soient quand même suffisantes.

Évidemment, le nivellement par le haut est souhaitable. La concurrence aussi, qui pousse à bonifier les offres à l'avantage des travailleurs. Le problème survient quand ces grandes industries connaissent des revers de fortune et sabrent des emplois, quand elles ne ferment pas carrément leurs portes. On se trouve alors chanceux de pouvoir compter sur un tissu d'entreprises locales résistantes et bien enracinées, capables de faire contrepoids. Délocalisation ? Elles ne connaissent même pas le mot.

Mais encore faut-il qu'elles existent, ces PME, et que soient également réunies des conditions favorables à leur création et leur développement. De là l'importance du fameux esprit entrepreneurial qu'on cherche à renforcer, au Québec.

Plus de jeunes entrepreneurs au Saguenay-Lac-Saint-Jean

Or, dans les régions où dominent de grandes entreprises, cet esprit est souvent moins affirmé qu'ailleurs. C'est le cas du Saguenay-Lac-Saint-Jean, s'il faut en croire une analyse de la Fondation de l'entrepreneurship.

La Fondation a entrepris depuis quelques années de produire des dossiers où elle met en lumière les forces et les faiblesses de chacune des régions en regard de son entrepreneuriat. Voici entre autres trois remarques éclairantes qu'on peut lire dans le tableau synthèse Portrait global de l'entrepreneuriat dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean : 1° une faible intention d'entreprendre dans la population ; 2° moins d'entrepreneurs établis, donc moins de modèles d'entrepreneurs ; 3° des 55 ans et plus peu intéressés par les affaires.

Le dernier commentaire est significatif, puisqu'on note en parallèle que les jeunes semblent plus dégourdis et qu'un nombre croissant des 18-34 ans sont en phase de prédémarrage ou de démarrage d'entreprises.

Ce renversement de tendance est porteur d'espoir dans la région. Les grandes entreprises qui dominaient le paysage montrent des signes d'essoufflement. La crise de l'industrie forestière a emporté bien des usines, tant dans le papier que dans le bois d'oeuvre. Même Alcan a réduit son effectif global.

Il se peut que la demande mondiale d'aluminium décolle de nouveau cette année, mais le nombre d'employés de Rio Tinto Alcan (alias Alcan) n'a cessé de diminuer au fil des ans. Il y a 25 ans, on en comptait 12 000 ; il en reste moins de la moitié aujourd'hui. La multinationale reste une locomotive régionale, mais le train comporte de moins en moins de wagons.

Au-delà du conflit à l'usine d'Alma et du débat autour de la sous-traitance, voilà un enjeu plus crucial encore pour la région. Alcan n'est pas en expansion et la nostalgie des années fastes ne les fera pas renaître.

En revanche, la région s'est dotée au fil des ans d'une solide expertise dans le secteur du métal, et on n'a plus peur de se lancer en affaires. C'est ce qui permet de croire que ce qui se passe à Alma n'est plus une question de vie ou de mort pour le royaume.

rene.vezina@transcontinental.ca

DE MON BLOGUE

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Vos réactions

«Que se passera-t-il en France ? aux États-Unis ? au Québec ? Certainement un effritement de la situation économique nationale et individuelle, un endettement continu et bientôt... le réveil brutal !»

- VisaPro.ca

«Quand on parle d'agences de notation, on parle des mêmes agences de notation qui n'avaient pas vu venir la crise de 2007 et qui attribuèrent des AAA aux subprimes. Il me semble difficile de comparer entre eux des pays comme la France et le Québec ; la démographie de la France est vieillissante, mais le nombre d'enfants par famille est assez élevé.»

- Olivier M.

blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

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