L'intérêt public et les " quêteux à cheval " du sport professionnel

Publié le 18/06/2011 à 00:00

L'intérêt public et les " quêteux à cheval " du sport professionnel

Publié le 18/06/2011 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

L'agitation, la désinformation et la démagogie qui accompagnent le débat sur l'entente conclue entre la Ville de Québec et Quebecor sur la gestion de l'amphithéâtre dont rêve le maire de Québec de même que le projet de loi 204 privé visant à blinder cette entente illégale ont fait oublier l'essentiel : la saine gouvernance municipale, les bénéfices pour les contribuables d'un tel équipement et le financement public des équipes de sport professionnel.

Une municipalité ne peut pas agir comme une entreprise, qui poursuit des objectifs privés. Elle doit être gérée en fonction de l'intérêt public et dans le respect des lois qui encadrent sa gouvernance. Un maire ne peut donc pas négocier et signer des ententes commerciales comme le font les gens d'affaires. Le fait que les citoyens veulent le retour des Nordiques ne justifie aucunement des pratiques contraires à la saine gouvernance.

C'est le cas de la gestion du projet d'amphithéâtre de Québec, parce que l'entente concoctée par le maire et Quebecor est biaisée en faveur de cette dernière, et laisse l'essentiel des risques et des coûts aux contribuables. Cette entente est même illégale, d'où le cynique projet de loi 204, que le ministre des Affaires municipales veut ramener sur le tapis tel quel en septembre, sous prétexte que l'entente ne peut pas être modifiée. Cette absurdité explique pourquoi Denis de Belleval et Alain Miville de Chêne vont reprendre leur démarche devant les tribunaux, ce qui risque d'accentuer la bisbille dans les rangs libéraux.

L'amphithéâtre promis sera payé par les contribuables du Québec à hauteur de 200 millions de dollars (M$) au moins, grâce à une subvention promise par le premier ministre Jean Charest, et par ceux de la Ville de Québec pour un autre 200 M$, moins la mise de fonds du groupe J'ai ma place, qui devrait fournir environ 20 M$. Or, les contribuables de Québec seront également mis à contribution pour les probables dépassements de coûts, la décontamination du terrain, les accès routiers et la réserve pour les réparations ultérieures, autant de dépenses non prévues dans le projet de 400 M$. Les contribuables de Québec ne bénéficieront par ailleurs d'aucun répit, puisque l'amphithéâtre, propriété de la Ville, ne paiera aucune taxe foncière. Pour éviter l'impôt, il sera géré par un organisme sans but lucratif... choisi par Quebecor.

Réallocation des budgets plutôt que création de richesse

Tous les profits de l'activité hockey, la raison d'être de cet amphithéâtre, iront à Quebecor. Le seul partage prévu est celui des profits qui viendraient des spectacles. La Ville pourrait obtenir de 10 à 15 % de ceux-ci, mais aussi absorber une partie des pertes en cas de déficit. Il ne faut pas rêver en couleur quant au partage des profits, car le marché de Québec n'a pas la profondeur nécessaire pour que les spectacles constituent une importante activité.

Outre les amateurs, les grands bénéficiaires de cette aventure seront Quebecor, les millionnaires du monde du hockey, les artistes, ainsi que les employés du complexe et de certaines entreprises (hôtels, transporteurs). L'essentiel des salaires et des honoraires sera payé à des athlètes et à des artistes de l'extérieur. L'argent qui sera ainsi dépensé représentera moins de revenus pour d'autres activités de loisir à Québec. Il faut donc prendre avec un grain de sel les retombées économiques que les promoteurs font miroiter. Le sport professionnel contribue plus à une réallocation des budgets de consommation qu'à la création d'argent neuf. Le départ des Nordiques devait être une calamité. Or, la Capitale est plus prospère que jamais.

Gérard Filion, qui fut directeur du Devoir, qualifiait de " quêteux à cheval " les gens d'affaires qui accrochent leur entreprise aux mamelles de l'État pour la nourrir. C'est le cas de certaines équipes de sport professionnel aux États-Unis, où les pouvoirs publics financent depuis des décennies des stades, des amphithéâtres et des arénas pour les accueillir. Jusqu'à maintenant, le Canada a été épargné par ce dysfonctionnement. Mais voilà que Québec s'engage sur cette pente glissante.

Si le projet d'amphithéâtre se réalise tel que ficelé par l'entente actuelle, attendons-nous à ce que d'autres " corporate welfare bums " frappent à la porte d'autres villes et à ce que des politiciens s'écrasent à nouveau devant eux avec l'argent de nos impôts et de nos taxes.

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