Économie : ne tirez pas sur les consommateurs

Publié le 20/08/2011 à 00:00

Économie : ne tirez pas sur les consommateurs

Publié le 20/08/2011 à 00:00

"Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés" (Jean de La Fontaine, "Les animaux malades de la peste").

Non, le grand fabuliste français ne pensait certainement pas aux investisseurs en écrivant cette phrase, il y a 330 ans. Pourtant, elle décrit très bien l'état d'esprit qui règne depuis les zigzags boursiers des dernières semaines.

Ces jours-ci, il n'est pas nécessaire de fréquenter les marchés boursiers pour frissonner. Les manchettes apocalyptiques se succèdent, prédisant le retour de la récession et de la misère planétaire. Les accalmies momentanées laissent peu de répit. C'est bien assez pour entretenir la nervosité. Résultat ? Même si tous les gens ne sont pas en train de pleurer des pertes boursières, tous sont frappés, ou presque, par le pessimisme ambiant... et adoptent une attitude défensive. Les consommateurs sont prudents et on ne peut les blâmer.

Dilma Rousseff, elle, n'est pas contente. La présidente du Brésil s'inquiète de la frilosité de ses compatriotes. La consommation a ralenti, là comme ailleurs. Le 7 août dernier, au sortir d'une rencontre avec le premier ministre Stephen Harper, elle a donc décidé de haranguer ses troupes et de leur demander ni plus ni moins de continuer à dépenser. "Il n'est pas nécessaire d'arrêter de consommer parce que, au fond, notre économie n'est pas menacée", a-t-elle précisé dans une déclaration rapportée par l'agence Bloomberg.

Ou peut-être voulait-elle dire : notre économie n'est pas menacée, à moins que la consommation ne s'écroule, ici comme ailleurs ? De quoi les dérouter, ces consommateurs, qui reçoivent toutes sortes de messages contradictoires depuis quelque temps.

D'une part, on enjoint à ceux-ci de réduire leur endettement. Les Canadiens sont d'ailleurs parmi les plus grands dépensiers qui soient. Au Canada, la dette moyenne des ménages atteint ici 147 % du revenu disponible, la proportion la plus élevée de tous les pays du G8. On peut toujours plaider que l'avoir est lui aussi en croissance, ce qui pondère le risque, mais le fardeau demeure.

En même temps, les gouvernements font tout pour que le crédit demeure accessible... et attrayant. En annonçant qu'elle allait maintenir au plancher son taux d'intérêt pour les deux prochaines années, la Réserve fédérale fait plus qu'admettre la faiblesse récurrente de l'économie américaine : elle invite implicitement les consommateurs à prendre le chemin des banques pour emprunter alors qu'ils devenaient plus frugaux et recommençaient à épargner, après avoir longtemps vécu au-dessus de leurs moyens.

Oui, mais que faire quand votre modèle économique repose précisément sur la participation massive des consommateurs ? Aux États-Unis, comme au Canada, elle représente près de 70 % de l'économie totale. Quand la consommation s'endort, l'économie fait des cauchemars.

Il va donc nous falloir apprendre à vivre dans cet univers plutôt schizophrène qui oscille entre deux réalités : la responsabilité et la prodigalité. Un jour, on va vous alerter au sujet des dangers du surendettement, et le jour suivant, les Dilma Rousseff de ce monde vous exhorteront à prendre le chemin des magasins pour le bien de la nation.

Comment s'y retrouver ? Il importe d'être raisonnable dans sa consommation et de ne pas tomber dans le piège du voisin gonflable ("Si tout le monde s'achète une voiture, j'en veux une aussi !"), mais il est tout aussi important de ne pas se terrer au fond d'une caverne en redoutant la fin du monde. Tout est question de mesure.

Le système financier mondial est un incorrigible garnement qui n'arrive pas à apprendre de ses erreurs. La Grèce est terriblement endettée, c'est vrai, mais il a bien fallu que des financiers acceptent de lui prêter l'argent qu'elle demandait, en imaginant de juteux profits en cours de route. Et si les profits escomptés se transforment en lourdes pertes, ils vont cogner à la porte des gouvernements, plaidant le risque de l'effet domino si on les laisse tomber.

Au diable les grands discours des politiciens, tout comme les mises en garde des prophètes de malheur. Vous seuls savez ce dont vous avez besoin, qu'il s'agisse de vacances ou de biens essentiels. Les chiens aboient, la caravane passe...

DE MON BLOGUE

Les hauts et les bas de la Bourse

Une crise idéologique

Les Américains croient aux miracles. Il suffit de regarder la télé le dimanche matin pour les voir en pâmoison, les bras levés au ciel durant ces émissions religieuses qui nous déroutent tant. Désolé, mais il faudra plus que des incantations du genre Praise the Lord cette fois-ci pour anéantir le démon. Le remède s'appelle pragmatisme.

Vos réactions

"Que la crise soit idéologique, politique, financière, boursière, peu importe... Bien des gens dont le seuil de résistance à de telles fluctuations est très bas, et qui étaient tout de même demeurés sur les marchés après la chute des marchés fin 2008 début 2009, vont maintenant en sortir pour bien des lunes à venir !" - Dencour

"La différence majeure entre la crise de 2008 et celle qui se profile aujourd'hui ? Cette fois-ci, il ne faudra pas compter sur la Chine pour sauver le monde à coup de plans de relance de centaines de milliards de yuans." - yo-yo

"Les profits sont peut-être bons, mais les entreprises ne créent à peu près pas d'emplois. Je ne vois pas comment la crise qui s'en vient ne sera pas plus grave que celle de 2008. Les gens sont plus "serrés" que jamais, les taux sont déjà près de 0 % et ce sont les individus qui sont responsables de 66 % de la croissance... Le mur s'en vient, je crois." - roxlem

rene.vezina@transcontinental.ca

blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

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