BLOGUE. Durant ma jeunesse, dans mon village natal de Saint-Prosper de Champlain, en Mauricie, la presque totalité de la population d’environ mille habitants était composée d’entrepreneurs. Il y avait les agriculteurs (non syndiqués à l’époque), le marchand général (c’était mon père), le restaurateur, le laitier, le boulanger, le boucher, le cordonnier, le réparateur général, le médecin (avant l’assurance maladie), etc. Tous vivaient bien et gagnaient leur vie sans trop se poser de questions et à peu près sans intervention gouvernementale. Les quelques employés qui n’étaient pas propriétaires de quelque chose étaient considérés comme les pauvres de la place et souffraient la plupart du temps d’insécurité chronique. Et puis, lentement mais sûrement, tout a basculé. Être entrepreneur est devenu un symbole d’insécurité à cause des risques financiers encourus, alors que les simples employés se croyaient sécurisés grâce à des emplois urbains bien rémunérés.
Après les Bombardier, les Beaudoin, les Simard, les Dutil, les Lemaire, les Coutu, les Péladeau, les Marcoux et les Verreault de ce monde, le Québec a connu une période creuse, en manque de nouveaux entrepreneurs. Le goût du risque semblait fondre comme neige au soleil, chacun recherchant une sécurité d’emploi parfois illusoire et laissant souvent à d’autres ethnies les joies et les récompenses de l’entrepreneuriat. En 50 ans de carrière, j’ai travaillé 30 ans pour de grandes corporations et 20 ans à mon compte. Et rien au sein de grandes compagnies, sauf probablement la SAQ, ne m’a donné autant de satisfaction que de réaliser et réussir des exploits pour moi-même dans mes propres entre-prises. Car être entrepreneur, c’est créer sa propre sécurité d’emploi et cesser de dépendre des autres pour son succès.