La canette de sirop d'érable a une image très folklorique. Faut-il lui donner une apparence plus actuelle ?
Pas du tout ! Elle doit demeurer telle quelle. Non parce qu'elle est belle, ce serait plutôt le contraire... Mais, cette canette a atteint une valeur de symbole. Le dessin maladroit de cabane à sucre qui l'habille la rend sympathique et, du coup, il devient efficace. La canette de sirop d'érable a atteint une notoriété, au même titre que le logo de General Electric ou de Chrysler. C'est très québécois de " jeter le passé ". Nous ne somme pas conservateurs - au sens non politique du terme, s'entend. Voyez comment Montréal a assassiné ses " greasy spoons ", ces mini-restaurants avec tabourets en métal, alors que Toronto a eu l'intelligence de les conserver. Laissons le temps choisir ce qui mérite d'être conservé au lieu de décider à sa place.
Doit-on permettre des formes de contenants de sirop d'érable qui soient dissidentes ?
C'est déjà fait, pour le meilleur et pour le pire. Commençons par le pire : ces bouteilles de verre en forme de feuille d'érable vendues dans les magasins de souvenirs du Vieux-Montréal et dans les boutiques hors taxe. Voilà ce que les touristes rapportent dans leurs bagages ! Un exemple du meilleur, maintenant : le contenant cylindrique transparent de " Tirez ", la tire au cidre de glace de la boutique Point G. Si on désire " défolkloriser " un produit, il faut oser jusqu'au bout. On ne remplace pas une imagerie forte par une autre semi-achevée.
Gap a voulu changer son logo, mais elle s'est rétractée devant la levée de boucliers sur Internet. L'image des entreprises est-elle désormais prisonnière du regard des internautes ?
Tout à fait. Nous vivions déjà dans une société d'attachement aux marques. Ajoutez à cela les réactions instantanées que permettent les médias sociaux et vous avez le " cas Gap ". Au moindre changement, soyez prêts à vivre avec les réactions. Voici ce qui se passera si les acériculteurs se mettent en tête de modifier le design de la canette de sirop d'érable : les designers s'exclameront " enfin, il était temps ! ", alors que le reste de la population questionnera " Pourquoi ? Je l'aimais bien, moi, cette canette. "
CV
Nom : Frédéric Metz
Âge : 66 ans
Fonction : Professeur associé à l'école du design graphique de l'UQAM et chroniqueur à Bazzo.tv