Entrevue n°236: Rita McGrath, professeure et auteure


Édition du 21 Février 2015

Entrevue n°236: Rita McGrath, professeure et auteure


Édition du 21 Février 2015

Par Diane Bérard
D.B. - Pouvez-vous nous donner un exemple de société qui y arrive ?

R.McG. - Atmost Energy, une société de distribution d'énergie du Texas, y parvient très bien. La direction vous dira : « Nous ne sommes pas une famille, mais nous sommes une équipe ». Une famille pardonne aux brebis égarées, à ceux qui ne réussissent pas aussi bien que les autres. Dans une équipe, chacun collabore et ne compte pas sur le groupe pour le faire à sa place. Vous ne choisissez pas les membres de votre famille, mais vous devriez choisir ceux de votre équipe. Atmost s'est montrée rigoureuse dans son recrutement. Elle a exprimé ses attentes clairement. Ainsi, la quête perpétuelle de nouvelles occasions d'affaires fait partie de la culture de l'entreprise.

D.B. - Si aucun avantage concurrentiel ne dure, est-il encore utile d'élaborer une stratégie ?

R.McG. - Oui. Il faut donner une direction à votre entreprise. Et développer une vision. Quels clients servirez-vous ? Quels produits leur offrirez-vous ? En quoi ces produits se distinguent-ils de ce qui est déjà proposé ? Mais vous devez revoir l'horizon de votre planification. Plus besoin d'un énorme cartable pour entreposer votre plan quinquennal. Votre stratégie de 18 à 24 mois devrait tenir sur quelques pages.

D.B. - La façon dont on élabore une stratégie d'affaires a changé. Expliquez-nous.

R.MCG. - Avant, on procédait de façon analytique. On s'inspirait des tendances et des prévisions élaborées à partir du passé. Aujourd'hui, la stratégie est considérée comme un art. On cherche les signaux, on tente de décoder l'avenir et de sentir ce qui s'en vient. Puis on élabore différents scénarios. Je ne rejette pas l'analyse en bloc. Mais comme le passé est de moins en moins garant de l'avenir, il faut éviter d'élaborer une stratégie d'affaires en regardant en arrière.

D.B. - À force de parler de changement, on en vient à se demander si la stabilité existe encore...

R.McG. - Il faut faire la distinction entre le portefeuille d'activités et la mission de l'entreprise. Les activités ne sont pas l'entreprise. L'entreprise repose sur des valeurs, une vision, une mission, des objectifs, etc. Ça, ça ne change pas. Ce qui varie, c'est l'allocation des ressources, les activités de marketing, la recherche et l'innovation, les mandats des employés, etc. Le défi tient à cet équilibre entre la stabilité des valeurs et de mission et l'instabilité des activités. La stabilité des valeurs permet de comprendre et de tolérer l'instabilité des activités.

D.B. - Vous dites que pour réussir une entreprise doit isoler l'allocation des ressources du centre de décision. N'est-ce pas le rôle des patrons d'allouer les ressources ?

R.McG. - C'est une question de culture. Préférez-vous une organisation où l'on valorise les individus en fonction de la taille des ressources qu'ils gèrent ou en fonction de l'intelligence avec laquelle ils gèrent les ressources qu'on leur confie ? La société indienne Infosys a établi des mesures de performance bien précises pour ses gestionnaires. Les budgets sont revus tous les trimestres. Chaque fois, chaque gestionnaire doit appeler le directeur de la planification pour lui communiquer ses besoins. Et lui dire, si nécessaire : « Selon mes prévisions, je dispose de plus de ressources que ce dont j'aurai besoin le trimestre prochain. Vous pouvez redéployer l'excécent ailleurs ». Si le gestionnaire ne le fait pas et que ses revenus trimestriels ne justifient pas ses ressources, tous les employés du service seront privés de leur boni.

D.B. - Qu'est-ce que le sain désengagement ?

R.McG. - C'est un processus grâce auquel on parvient, sans souffrance et avec un minimum d'émotions, à cesser des activités qui ne font plus partie de l'avenir de l'entreprise. GE, par exemple, vient de vendre sa division d'électroménagers à Electrolux. Pour GE, qui a pris le virage haute technologie, ce secteur ne lui apportait aucun avantage. Pour Electrolux, c'est un atout de plus à sa stratégie.

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