Opter pour l'efficacité verte

Publié le 18/11/2011 à 00:00, mis à jour le 18/11/2011 à 10:49

Opter pour l'efficacité verte

Publié le 18/11/2011 à 00:00, mis à jour le 18/11/2011 à 10:49

Par Premium

Le créneau environnemental, simple habillage marketing de circonstance ? Ce serait bien une erreur des sceptiques de la menace environnementale de le croire. Il s’agit plutôt d’un engagement stratégique majeur qu’aucun acteur économique ne peut se permettre d’ignorer.

Raréfaction des ressources naturelles, essor de la législation verte, effet de serre, empreinte carbone, pression du marché et de l’ensemble des parties prenantes… Ces préoccupations seraient-elles une entrave supplémentaire à la croissance des entreprises ? Selon Eric G. Olson, auteur de Better Green Business : Handbook for Environmentally Responsible and Profitable Business Practices (Wharton School Publishing, novembre 2009), plus de dilemme possible : nombreux sont les facteurs qui montrent une corrélation entre engagement vert, innovation et rentabilité.###

Partant du principe qu’on ne doit plus confondre vert et contrainte, il propose dans Better Green Business d’intégrer définitivement la dimension environnementale dans la stratégie de l’entreprise, avec un triple objectif : réduire ses coûts en évitant le gaspillage d’énergie et de matières premières ; asseoir croissance et compétitivité par l’innovation verte ; et pérenniser son activité en participant à la protection de la planète. La conduite de tests de performance étant une source inépuisable d’idées, Eric G. Olson recommande avant tout l’observation des entreprises phares qui opèrent au-delà de la réglementation en vigueur, et se garantissent ainsi un fort rendement de leur investissement environnemental actuel. Dell, par exemple, a commencé dès 2006 à reprendre gratuitement ses produits usagés et à les recycler partout dans le monde, alors que seule l’Union européenne l’exigeait.

Selon Eric G. Olson, pour avoir une réelle valeur ajoutée, la « réflexion verte » ne peut plus se contenter de n’être qu’une somme d’initiatives issues du terrain, elle doit être partie intégrante de la stratégie de l’entreprise. Elle aura donc un impact sur l’ensemble de ses décisions : la nature de ses activités, son organisation, l’exercice de ses activités et ses choix technologiques. Une stratégie verte bien comprise permet de prendre des décisions stratégiques et opérationnelles fondées sur une logique entrepreneuriale solide.

Les intérêts d’une stratégie verte bien comprise

Se déployer : la marque, les marchés, la stratégie

Les défis environnementaux offrent aux entreprises établies l’occasion de défricher de nouveaux marchés porteurs. Ainsi, Intel, le premier fabricant mondial de semi-conducteurs, a pris position sur le marché des composants photovoltaïques. Il a été suivi par nombre de ses concurrents. Réaliser de tels repositionnements stratégiques permet, outre leur impact vert, d’investir de nouveaux marchés, mais aussi de faire évoluer de façon positive l’image de l’entreprise auprès de ses parties prenantes.

Innover : nouveaux produits et services

Selon l’étude d’Aberdeen menée en 2008*, « 56 % environ des industriels avaient élaboré, sous une forme ou une autre, une stratégie de déploiement de produits plus respectueux de l’environnement. À la fin de 2010, 82 % en auront une ». Cette réflexion, qui porte tant sur les produits que sur les processus de fabrication, contribue à la protection de l’environnement :

En réduisant le gaspillage lié à leur utilisation (appareils ménagers à basse consommation, ampoules incandescentes, etc.) ;

En inventant des procédés verts (papier recyclé, textiles bios, etc.) ;

En remplaçant les produits et services polluants (emploi des transports publics ou du covoiturage au lieu de véhicules individuels, par exemple) ;

Au moyen d’offres vertes innovantes (services d’audits énergétiques, produits financiers verts, etc.).

Engager : redéfinir ses alliances, ses partenariats et ses localisations

La démarche verte outrepasse les frontières de l’entreprise, car elle englobe sa chaîne de valeur dans son intégralité. Elle est l’occasion de tisser un réseau et de développer des partenariats fondés sur des objectifs d’affaires et verts partagés, grâce à des synergies technologiques et des compétences clés complémentaires. Les fournisseurs et les prestataires logistiques doivent y être associés, sinon tout effort vert sera vain. En 2008, Dell a annoncé que le niveau d’émission de CO2 de ses fournisseurs serait évalué avant de faire appel à leur collaboration ; message qui a sensibilisé tous ceux (la majorité) qui n’en tenaient pas compte.

Optimiser : mettre à plat ses processus et son efficacité opérationnelle

Intégrer une stratégie verte est l’occasion de repenser l’ensemble des installations de l’entreprise (immeubles, entrepôts, usines, magasins, moyens de communication, architecture informatique…), mais également les processus et le cycle de vie des produits (dont leur recyclage et le service après-vente) pour les rendre environnementalement et économiquement plus efficients.

Mettre en œuvre la stratégie verte

Comme pour tout changement majeur, vouloir ne veut pas dire faire n’importe quoi. Dans son livre, Eric G. Olson s’appuie sur les réflexions liées aux déploiements stratégiques classiques et montre qu’une stratégie verte est fondée sur les mêmes impératifs opérationnels et humains que tout autre projet de changement et d’amélioration.

Bâtir une nouvelle culture d’entreprise

Condition préalable à tout changement : instaurer une culture verte commune, en se centrant sur les efforts à fournir collectivement. Sans cette focalisation, l’attitude des collaborateurs sera peu ou prou celle de la société, avec ses enthousiastes, ses sceptiques et ses suiveurs. L’objectif ? Que tous, sans exception, souscrivent à la stratégie verte.

Exemplarité. De simples gestes répétés ont plus d’influence sur le comportement de tous les collaborateurs (et pas seulement ceux qui sont déjà convaincus) que de longs discours.

Sensibilisation . Tous les moyens sont bons pour favoriser la prise de conscience de tous quant aux enjeux verts, au moyen d’informations et de formations appropriées sur le sujet.

Équipements adéquats. Installer les équipements qui concordent avec les objectifs destratégie verte : poubelles spéciales pour le tri des déchets, système de vidéoconférence, logiciels optimisant les itinéraires de la flotte de véhicules, etc.

Objectifs et mesures . Quantifier les performances et communiquer régulièrement les progrès réalisés (nombre de bouteilles récupérées, poids du papier recyclé, litres d’essence économisés…). Ces données aideront les collaborateurs à concevoir la portée de leurs efforts.

Aligner les objectifs et le plan d’action

Eric G. Olson propose de mener une analyse rigoureuse des points à améliorer en utilisant des outils traditionnels de gestion d’entreprise et de la performance :

1. Formuler une vision stratégique verte qui traduit l’ambition corporative en matière d’environnement : devenir un précurseur vert reconnu et incontesté, se hisser au niveau des concurrents qui sont en tête dans le domaine, etc. Se fixer quelques grands objectifs à réaliser à long terme.

2. Recenser tous les grands leviers d’actions possibles (développement de nouveaux produits, transformation des installations, renforcement de la gouvernance…) pour s’aligner sur la vision stratégique et les objectifs fixés précédemment. Puis, réaliser un premier tri pour éliminer les leviers les moins pertinents et les plus risqués.

3. Faire la liste détaillée des besoins organisationnels et technologiques ainsi que des processus dont l’entreprise devra se doter pour mener à bien les actions définies précédemment. Il peut aussi bien s’agir de la mise en place de formations pour le personnel que de l’achat de nouveaux équipements verts ou de la création ex nihilo de systèmes de mesure et de signalement.

4. Réaliser l’analyse des écarts : détailler, quantifier et planifier les coûts, les ressources et le temps nécessaires pour permettre à l’entreprise de se mettre à niveau afin de répondre à chaque besoin cerné au cours de la précédente étape.

5. Prioriser les initiatives en fonction de l’étape précédente ; elles ne pourront pas toutes être mises en œuvre simultanément.

6. Établir un plan d’action sur plusieurs mois ou plusieurs années.

7. Suivre l’exécution du plan en respectant les grandes règles de la gestion du changement : gérer les projets et les équipes, mesurer les performances pour s’assurer que les objectifs sont atteints et mettre en place des actions correctives au besoin, repérer et encourager les nouvelles initiatives propres à alimenter un processus d’amélioration continue de la stratégie verte.

8. Mettre régulièrement les objectifs à jour pour les adapter à l’avancée des projets internes, et aux changements extérieurs : fluctuations de la conjoncture, modification de la législation, progrès des concurrents, nouvelles technologies, etc.

Piloter la transformation verte

Afin d’optimiser les actions relatives à la réduction du gaspillage, à l’amélioration du bilan énergétique et à la gestion des ressources, Eric G. Olson recommande de suivre des méthodes éprouvées d’amélioration continue, comme le Green Sigma conçu par IBM, qui vise à étudier l’efficacité de ses processus pour en réduire les coûts et l’impact sur l’environnement. Green Sigma fait ainsi rimer l’approche Lean Six Sigma avec économie et écologie, et s’appuie sur un ensemble d’indicateurs (eau, énergie, CO2, etc.) qui mesurent la consommation réelle de chaque processus. Ces données sont enregistrées sur un tableau de bord décisionnel qui permet d’améliorer les processus en continu. En 2008, IBM affirmait avoir économisé 4,6 milliards de kWh d’électricité et 310 millions de dollars depuis 1990. Cette démarche Green Sigma repose sur cinq étapes :

1. Définir les indicateurs clés de performance (ICP). Dans une démarche verte, les ICP doivent être clairement corrélés à l’impact environnemental. Une pratique de plus en plus courante consiste à les relier à l’empreinte carbone de l’entreprise, en mesurant six types d’émissions : directes (sur site), indirectes (hors site), liées aux processus, liées à la production d’énergie, en amont (causées par les fournisseurs) et en aval (causées par les produits tout au long de leur cycle de vie).

2. Établir un système de mesure ad hoc. Que ce soit pour les émissions de dioxyde de carbone, la consommation d’électricité, de gaz, d’eau ou d’autres ressources, la mise en place d’un tel système présente quelques défis : combiner différents procédés de mesures non homogènes (mesures manuelles, capteurs à distance, compteurs…), assurer la centralisation des données, décider d’investir — ou non — dans des dispositifs efficients mais coûteux de retransmission des informations en temps réel, etc.

3. Créer un tableau de bord. Celui-ci fait la synthèse des données recueillies afin d’obtenir une visibilité en temps réel et une réactivité maximale en cas de dépassement d’un seuil d’alerte. Les informations fournies par le tableau de bord du Green Sigma prennent ainsi des formes très diverses, faciles à appréhender immédiatement : diagrammes, graphiques, histogrammes, statistiques…

4. Adapter et améliorer constamment les processus. Le Green Sigma applique aux problématiques environnementales les techniques d’élimination du gaspillage du Lean Six Sigma, qui permettent de repérer les facteurs d’optimisation des processus verts par la cartographie de leur chaîne de valeur. La « voix du client » du Lean Six Sigma est ainsi remplacée par la « voix de l’environnement ». Le contrôle statistique des processus permet également d’établir des valeurs de référence limites, au-delà desquelles des actions correctives peuvent être menées pour améliorer les opérations en cours.

5. Assurer le suivi de la performance au jour le jour, afin d’ancrer durablement le changement et d’établir des pratiques d’amélioration continues et efficaces. La mise en place d’un système de mesure et de signalement approprié n’est que le début de l’aventure verte !

Une fois ces pratiques vertes mises en place, Eric G. Olson insiste sur la nécessité de les valoriser au même titre que les activités traditionnelles. Les bénéfices environnementaux susciteront d’autant plus l’adhésion qu’ils seront exprimés dans la « langue des affaires », c’est-à-dire en termes de rendement de l’investissement, de valeur actuelle nette ou de taux de rendement interne. Il ne faut jamais oublier que si le point mort des initiatives vertes est en moyenne plus long à atteindre que pour d’autres projets rémunérateurs à court terme, celles-ci offrent une rentabilité durable et stable à long terme.

* Aberdeen’s June 2008 Engineering Executive’s Strategic Agenda

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