Retard économique et «ostalgie» 20 ans après la chute du Mur

Publié le 09/11/2009 à 07:18

Retard économique et «ostalgie» 20 ans après la chute du Mur

Publié le 09/11/2009 à 07:18

Par François Normand

Le mur de Berlin tombait il y a 20 ans.

L'Allemagne a célébré hier le vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989. Les plus âgés se souviendront d'un moment surréaliste, de l'histoire en marche avec un grand H, qui allait entraîner des bouleversements géopolitiques majeurs, dont la réunification de l'Allemagne, le 3 octobre 1990. Vingt ans après la chute du mur, l'heure est donc au bilan d'un processus coûteux qui n'a pas fait que des heureux.

Comment oublier ce dimanche matin pluvieux de décembre 2008 en arrivant dans la partie est de Berlin : de longues avenues pratiquement désertes, une architecture qui témoigne encore du passé communiste de la partie orientale de la capitale allemande, et une impression globale de retard économique par rapport à Berlin-Ouest ou à l’opulente Hambourg, dans le nord-ouest du pays.

Vingt ans après la chute du mur, les promesses de la réunification des deux Allemagne n’ont pas toutes été atteintes : malgré les centaines de milliards investis pour reconstruire l’ex-RDA (République démocratique allemande), le niveau de vie des Allemands de l’Est demeure encore inférieur à celui des gens à l’Ouest, et les entreprises y sont moins productives.

Encore plus de chômeurs à l’Est

Il faut dire que l’économie communiste et le minisecteur privé de l’Allemagne de l’Est partaient de loin. En 1991, le produit intérieur brut par habitant représentait 43 % de celui de leurs compatriotes de l’autre côté du rideau de fer.

Aujourd’hui, cet écart a été réduit à 71%, c’est un gain important, mais il y a encore beaucoup de rattrapage à faire. Le taux de chômage frappe aussi encore plus sévèrement à l’Est qu’à l’Ouest. En 1991, un an après la réunification, 10,2 % des habitants étaient en chômage comparativement à 6,2% à l’Ouest.

L’an dernier, en plein cœur de la récession mondiale, 14,7 % des Allemands de l’Est étaient sans emploi, soit le double des citoyens vivant dans l’ex-RFA (République fédérale d’Allemagne) à 7,2%.

Fait intéressant, si les entreprises est-allemandes sont moins productives, elles s’en sortent toutefois mieux. Ainsi, selon le Financial Times de Londres, en moyenne, les sociétés est-allemandes ont connu depuis 2002 une croissance plus forte et sont aussi plus rentables que leurs concurrentes à l’Ouest.

Cette performance tient en partie aux coûts de la main-d’œuvre qui y sont 20% inférieurs.

Les erreurs commises lors de la réunification

Mais globalement, pourquoi l’ex-RDA n’arrive-t-elle pas à rattraper plus rapidement l’ex-RFA?

La plupart des économistes estiment que les architectes de la réunification ont fixé dès le départ un taux de change irréaliste (un deutschemark pour deux marks est-allemands), ce qui ne tenait pas compte de la différence importante du niveau de vie des deux côtés du mur.

En 1989, sur le marché noir, le taux de change était plutôt d’un pour 10.

Ce taux change a certes dopé la consommation à court terme, mais il a surtout fait perdre toute compétitivité aux industries – déjà inefficaces – de l’Allemagne de l’Est. Les campagnes des syndicats ouest-allemands pour relever les salaires de leurs collègues d’ex-RDA n’ont pas aidé non plus, envoyant beaucoup d’entre eux au chômage, un choc psychologique pour ces travailleurs habitués depuis toujours à occuper un emploi.

Enfin, les privatisations massives des sociétés d’État à l’Est n’ont pas permis – faut-il s’en surprendre, après 40 ans de communisme - de trouver des investisseurs locaux pour prendre la relève. Résultat? Les investisseurs ouest-allemands ont acheté ces entreprises et, comme elles étaient inefficaces, plusieurs d’entre elles se sont fait imposer des mesures draconiennes de rationalisation sans parler de celles dont les actifs ont été liquidés.

Difficile de se sentir allemand

Que reste-t-il à l’Est 20 ans après la chute du mur? Une économie en bien meilleure santé qu’en 1989, malgré tous les défis qu’il reste encore à relever. Par contre, beaucoup de citoyens de l’ex-RDA ne se sentent pas encore tout à fait allemands. Une récente étude réalisée dans le pays, dont fait état la radio publique Deutshe Welle, montre d’ailleurs que seulement un Est-Allemand sur quatre se sent citoyen à part entière de l’Allemagne réunifiée. De plus, une minorité de personnes (mais quand même 10%) souhaitent même le retour de l’ancien régime communiste, avec le mur en plus!

La plupart de ces répondants étaient sans emploi depuis plus d’un an. Ces sondages laissent un goût amer dans la bouche de plusieurs Allemands de l’Ouest. Après tout, le nouvel État a injecté de 1 200 à 1 600 milliards d’euros (de 1 910 à 2 547 milliards de dollars canadiens) pour la réunification des deux Allemagne, incluant les subventions aux entreprises, la reconstruction des infrastructures, la création d’un nouveau système politique et les avantages sociaux pour les quelque 17 millions de citoyens vivant dans la RDA en 1989.

En Allemagne, on parle beaucoup du mur psychologique qui existe encore dans la tête des gens, entre les «Wessis» et les «Ossis, les Allemands de l’Ouest et les Allemands de l’Est. Il s’agit d’une espèce d’incompréhension culturelle, accompagnée souvent de préjugés. Certains Wessis et Ossis arrivent même à reconnaître « l’autre » après quelques secondes, et ce, en fonction du style vestimentaire ou de la façon d’être.

De plus, comme le fait remarquer une amie vivant en Allemagne, les gens à l’Ouest ont tendance à penser que les Ossis doivent être reconnaissants, tandis que les citoyens à l’Est demandent aux Wessis d’être respectueux et compréhensifs à leur égard. Comme quoi certaines tensions persistent toujours entre Allemands

Bref, le mur est tombé à Berlin, mais seulement le mur de béton.

François Normand est journaliste et responsable des pages Monde au journal Les Affaires.

Liens: La radio publique Deutshe Welle (DW-World)

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