Devenir un as de la négociation


Édition de Juin 2020

Devenir un as de la négociation


Édition de Juin 2020

négociation téléphone

(Photo: LinkedIn Sales Navigator pour Unsplash)

L'ARGENT ET LES GENS. Y-a-t-il moyen de sauver de l'argent en se prêtant au jeu de la négociation quand il est temps d'acheter un bien ou un service ? Des experts interrogés répondent par l'affirmative, mais ils précisent qu'il faut savoir comment s'y prendre.

«Tout est négociable», affirme d'entrée de jeu Guy Cabana, conférencier et auteur de plusieurs livres sur le thème de la négociation. Selon lui, les consommateurs québécois sont peu enclins à discuter le prix d'un produit ou d'un service. «On a peur d'avoir l'air cheap et de se faire dire non», dit-il. Pourtant, si ces acheteurs surmontaient leur gêne, ils arriveraient à en avoir plus pour leur argent, tant dans un magasin ayant pignon sur rue qu'en ligne.

Un sondage réalisé en 2017 par le magazine américain Consumer Reports révélait que 69 % des consommateurs qui ont acheté un produit électronique en ligne sont parvenus à obtenir un avantage - une réduction, un accessoire de plus ou un service supplémentaire - dont la valeur atteignait en moyenne 94 $ US, en marchandant avec le vendeur. Ceux qui se sont présentés en magasin ont aussi réussi à recevoir une prime après avoir discuté avec le commerçant, mais dans une proportion de 59 %. Les avantages que ces derniers ont su soutirer étaient évalués à 84 $ US.

Être informé

Avant d'entreprendre une négociation, le consommateur doit être informé. Il doit connaître ses besoins et le montant d'argent qu'il est prêt à mettre en jeu.

«On n'arrive pas les mains vides. On est préparé parce que sinon, on va mettre la balance de la négociation dans les mains de l'autre», avise Fabien Major, planificateur financier et fondateur de la firme Major Gestion privée. Dans le cas d'un couple voulant contracter une hypothèque, Fabien Major lui suggère d'avoir en main tous les détails de son dossier de crédit.

Dans le même esprit, il doit être au fait de toutes les caractéristiques du produit ou du service convoité, de même que les prix demandés. Dans le cas d'un prêt hypothécaire, il faut avoir une idée des taux d'intérêt du marché en fonction de la durée du terme et le montant des pénalités exigé en cas de rupture de contrat. «Les pénalités, ça ne se négocie pas. Ce qui va se négocier, c'est tout le reste», fait savoir le planificateur financier.

Les consommateurs doivent également connaître le fonctionnement des entreprises qui offrent le produit ou le service recherché. Fabien Major explique qu'un employé d'une institution financière a des objectifs de performance à atteindre et qu'il a un inventaire de produits à vendre. Le courtier hypothécaire n'a, pour sa part, aucune cible de rendement, mais il fait affaire avec 20 à 25 institutions financières. Ainsi, quand vient le temps de négocier leur contrat hypothécaire, les consommateurs peuvent compter sur la collaboration du courtier hypothécaire tandis que dans une institution financière, ils sont les seuls maîtres à bord pour mener la discussion.

Enfin, il faut évaluer les endroits où le marchandage a le plus de chances de réussir. Des commerçants sont réticents ou carrément fermés à l'idée de réviser les prix de leurs produits à la baisse puisque ce sont leurs bénéfices qui sont en cause.

«Dans les très grandes chaînes - Walmart et autres -, [il est impossible d'y négocier quoi que ce soit] parce qu'il n'y a personne dans le magasin pour baisser le prix ou donner quoi que ce soit en plus, mentionne Jacques Nantel, professeur émérite du Département de marketing de HEC Montréal. À l'autre extrême, si vous prenez un petit magasin de quartier, les marges bénéficiaires sont généralement tellement basses que si vous commencez à négocier le prix, vous lui enlevez le pain de la bouche.»

Jacques Nantel note toutefois qu'il est possible que le petit commerçant et le consommateur avide trouvent leur compte dans une négociation. Il donne comme exemple les abonnements à des paniers de fruits et légumes. «Pour le marchand, ça confirme des entrées de fonds tandis que pour le client, ça lui assure de meilleurs prix», dit-il.

Oser

Pour réduire le prix d'un produit ou d'un service, il faut oser demander, argumenter et négocier. Les commerçants ne feront pas de concessions de leur propre chef, sans un peu de marchandage.

Pour obtenir des gains, il faut faire preuve d'audace, dit Lucie Dal Molin, conseillère budgétaire à l'Association coopérative d'économie familiale (ACEF). Lorsqu'elle donne des ateliers visant à aider les ménages à redresser leurs finances, elle leur suggère de marchander le tarif des assurances, mais aussi celui des services de télécommunication (téléphonie, câble, Internet).

«Souvent, les gens ont le même forfait depuis des années et ils ne pensent pas à appeler pour essayer d'avoir une réduction, mentionne Lucie Dal Molin. Et ça fonctionne. Les gens ont fait jouer l'offre de la concurrence en leur faveur et ils ont obtenu un rabais.» Les entreprises ne veulent pas perdre leurs clients, ajoute-t-elle. «Alors, elles ont tout intérêt à accorder une petite réduction.» La conseillère budgétaire recommande aux ménages qui la consultent de répéter cet exercice tous les ans. «Ça demande de l'énergie, mais ça vaut la peine de le faire», fait-elle remarquer.

Prendre son temps

Pour avoir l'avantage dans une négociation, il faut avoir du temps. «Celui qui contrôle le temps contrôle le processus de négociation», indique Guy Cabana, conférencier et auteur.

En n'étant pas pressé, le consommateur n'est pas en manque immédiat du produit ou du service. Il peut magasiner, peaufiner sa stratégie et décider du meilleur moment pour se lancer. Il aura même le temps d'essuyer quelques refus, étant donné que ce ne sont pas toutes les négociations qui sont couronnées de succès.

Quand il sera prêt à marchander, le consommateur doit tenter de faire en sorte que la pression du temps repose sur les épaules du commerçant. Guy Cabana s'est déjà présenté un 23 décembre, à 16 h 30, chez un concessionnaire automobile pour acheter une voiture d'occasion, dont le prix annoncé s'élevait à 7 000 $.

«J'ai dit au vendeur que c'était sa dernière chance pour faire une vente étant donné que le concessionnaire était fermé entre Noël et le jour de l'An, raconte-t-il. Je lui ai offert 4 000 $ en argent comptant. Il a réfléchi deux minutes et il a accepté.»

A contrario, si un vendeur met énormément de pression sur un consommateur pour qu'il achète rapidement un produit ou un service, l'Autorité des marchés financiers (AMF) recommande de faire preuve de prudence.

Finalement, il faut se rappeler qu'en tout temps, il est possible de se retirer d'une négociation. «On est le consommateur. C'est nous le patron et c'est le patron qui prend la décision finale», insiste Fabien Major, planificateur financier.

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Négocier l'achat d'une voiture

Quand les consommateurs veulent acquérir une voiture, ils savent qu'ils peuvent marchander. La question, est de savoir le prix de quel produit et de quel service peuvent-ils espérer diminuer ?

Dans le cas de l'achat d'une voiture neuve, le prix de vente annoncé dans une publicité est «généralement négociable», d'après Georges Iny, le directeur de l'Association pour la protection des automobilistes (APA). «On ne le sait pas, à moins de faire du magasinage ou de s'informer pour connaître le prix coûtant», souligne-t-il, en précisant que l'APA est en mesure de fournir cette donnée.

La marge de profit sur les accessoires proposés avec la voiture est plutôt mince. Il est ainsi très ardu de réduire le prix d'un système de climatisation, d'un toit ouvrant ou de sièges en cuir, à moins d'acheter plusieurs de ces équipements en option.

À l'opposé, la facture des services offerts par le concessionnaire - antirouille, garantie prolongée et assurances - est plus négociable. «La marge bénéficiaire est de 100 % à 200 %», rapporte Georges Iny.

Quant aux concessionnaires de voitures usagées, ils sont plus fermes sur les prix affichés, particulièrement ceux se trouvant dans la région de Montréal, selon Georges Iny.

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