La commercialisation des découvertes réalisées par des chercheurs universitaires et des centres de recherche au Québec prend de l'essor. La tendance est à la création, dès que possible, d'entreprises dérivées. Un changement de cap, puisque la province et le Canada, champions de la recherche fondamentale, étaient plutôt à la traîne du point de vue de la valorisation ces dernières années.
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Parmi les bonnes nouvelles : Univalor, une des trois sociétés de valorisation universitaire (SVU), s'apprête à annoncer la création d'une nouvelle entreprise dérivée dans le domaine biotechnologique. Liphorus, financée à hauteur de 6,4 millions par un fonds californien spécialisé dans les sciences de la vie, Sanderling Ventures, mais dont le siège social et les employés seront à Montréal, aura pour but de trouver de nouveaux traitements contre le cholestérol à partir des découvertes du professeur Nabil Seidah de l'Institut de recherches cliniques de Montréal, affilié à l'Université de Montréal.
Le chercheur, un expert de renommée internationale, a décelé une nouvelle enzyme (PCSK9) qui joue un rôle dans le métabolisme du cholestérol. Il s'est aussi rendu compte qu'en l'inhibant, il est possible de réduire le mauvais cholestérol. Reste maintenant à la toute jeune entreprise, en collaboration étroite avec le professeur Seidah, à trouver les façons de l'inhiber et d'en tirer un médicament commercialisable.
«C'est parti pour un travail d'une douzaine d'années ! C'est le temps que prend le développement d'un médicament», précise Laurence Rulleau, vice-présidente au développement des affaires d'Univalor. Même si les premières retombées économiques sont incertaines et lointaines, la société de valorisation se réjouit de la création de cette entreprise. «C'est de la recherche fondamentale qui sort d'un laboratoire. Il est rare qu'on puisse obtenir des investissements aussi tôt dans le processus», reconnaît Laurence Rulleau.
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Stimuler l'entrepreneuriat
Si l'investissement, dans le cas de Liphorus, est précoce, la création d'une entreprise dérivée n'est pas rare. Il en existait 609 au Canada encore en vie selon le rapport 2012 «Canadian Licensing Activity Survey» de l'Association of University Technology Managers (AUTM). Univalor en a créé une quarantaine depuis sa création en 2001, dont cinq l'année dernière dans des domaines aussi différents que la sécurité informatique, les biomatériaux, le logiciel paramédical et la médecine personnalisée. L'Institut national d'optique en compte 29 en 26 ans d'existence.
«La tendance dans l'industrie est de stimuler l'entrepreneuriat», constate Laurence Rulleau, dont la société voit, après une légère baisse, une recrudescence des créations d'entreprises dérivées, notamment grâce à la possibilité de trouver du financement précoce. Les autres voies sont l'octroi de contrats de recherche entre une entreprise existante et un chercheur ou des ventes de licences.
Même si le domaine de la valorisation de la recherche semble en pleine effervescence, il semblerait que le Québec et le Canada ne soient pas en tête du peloton. «En enseignement comme en recherche, les universités canadiennes s'acquittent avec brio de leur mission. [...] le Canada, avec 0,5 % de la population mondiale et 2,4 % du PNB mondial, représente plus de 4 % des publications scientifiques. Comment se fait-il alors que, depuis plus de 20 ans, l'OCDE attribue au Canada des mentions de médiocrité pour la commercialisation des résultats de recherche ?» se demandait, en 2012, Alexandre Navarre, président de la SATT Grand Centre, l'équivalent en France des SVU du Québec.
Selon des données de l'AUTM citées par Alexandre Navarre, le Québec accuse un déficit de l'ordre de 25 % pour ce qui est des inventions générées par dollar de R-D investi par rapport au reste du Canada. «On incite encore trop la recherche fondamentale par rapport à la recherche appliquée, »constate Alexandre Navarre, qui a été très longtemps impliqué dans l’innovation au Canada dans le milieu universitaire, institutionnel et même gouvernemental (fédéral) avant d’aller faire profiter la France de son expertise dans le cadre de la mise en place récente des SATT (Société d’accélération du transfert de technologies) là-bas. L’expert regrette que le Canada ait «pris du retard depuis 5-7 ans dans ce domaine alors qu’il était en avance sur l’Europe il y a dix ans».
Quant aux entreprises dérivées, le Québec en comptait 7 en 2011 par rapport à 68 pour l'ensemble du Canada.
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Changement de mentalité
Toutefois, les partisans de la valorisation de la recherche sont optimistes, car les mentalités changent. Les chercheurs sont de plus en plus disposés à travailler de concert avec l'industrie pour voir leurs découvertes être, un jour, commercialisées. Liphorus en est un bon exemple, puisque le professeur à l'origine de la découverte continuera dans le cadre d'un contrat de recherche de développer sa découverte pour qu'un médicament soit un jour trouvé. De la même façon, Réal Vallée, titulaire de la chaire industrielle du CRSNG sur le développement de composants photoniques photo-inscrits par impulsions laser femtoseconde de l’Université Laval, aime «faire le pont entre la recherche fondamentale et l'application. Je me sens privilégié de voir à quoi mènent mes recherches et d'y assister rapidement, sans avoir à attendre des dizaines d'années avant d'en observer la concrétisation», explique-t-il.
Du côté des étudiants, l'ouverture au monde des affaires est également beaucoup plus claire qu'auparavant. Félix Thouin, doctorant en physique à l'Université de Montréal et «technopreneur» (voir l'article en page 28), en est un bon exemple. «Cette expérience me fait me rendre compte que faire de la science, c'est faire la moitié du chemin ; mais ça ne change rien dans la vie des gens tant que nos résultats de recherche ne se concrétisent pas en produits», confie le jeune homme. Dans l'entourage de recherche de Réal Vallée, deux entreprises ont été créées relativement à son travail en optique photonique. L'une l'a été par un collègue, l'autre par deux anciens étudiants. «Avant, les étudiants cherchaient un emploi. Maintenant, ils ont l'idée de créer une entreprise pour valoriser la recherche à laquelle ils ont contribué. C'est un grand changement de mentalité», se réjouit-il. Quant à l'université, «ses chercheurs continueront de publier et de breveter leurs découvertes, conclut Réal Vallée. C'est parfait ainsi, c'est notre mission.»
25 %: Pour chaque dollar investi en R-D, le Québec accuse un déficit de l’ordre de 25 % par rapport au reste du Canada en matière d’inventions générées. Source : Association of University Technology Managers (AUTM)
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