Au Québec, la construction résidentielle a amorcé un ralentissement en 2011. Les mises en chantier ont fléchi dans tous les segments du marché immobilier à l’exception de celui des condominiums, qui a fracassé un record : un nouveau sommet a même été atteint à Québec, Montréal et Gatineau.
Nombre d'experts s'attendaient à une relative accalmie en 2012 du côté des nouveaux condominiums, mais ce n'est pas ce qui s'est produit. Au contraire, la construction s'est intensifiée dans la province, comme le montre un rapport de Desjardins Études économiques.
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Les mises en chantier de copropriétés dans la grande région de Montréal ont ainsi grimpé de 83% en avril par rapport à la même période de 2011 et de 27 % au cours des quatre premiers mois de 2012 (3 567 unités). Sur l’île de Montréal, un bond de près de 25% a été enregistré au début de l’année puisque la construction de 1 662 unités a démarré entre janvier et avril. À Québec, la hausse de 22% correspondait à 655 unités en l’espace de quatre mois. À Gatineau, l’ajout de 212 nouvelles unités représentait une hausse de 300%.
À certains égards, le récent boom de copropriétés neuves rappelle celui de la fin des années 1980 et du début des années 1990. À cette époque, le créneau des condos était en vogue et la construction s’est avérée nettement trop forte par rapport à la demande. La récession qui a sévi en 1990-1991 n’a fait qu’empirer les choses : les pertes massives d’emplois et l’ascension des taux d’intérêt hypothécaires qui ont approché les 15% ont fait fuir les acheteurs potentiels.
Du coup, de nombreuses unités ont mis beaucoup de temps à trouver preneur et certains promoteurs ont eu recours à des courtiers immobiliers pour écouler leurs inventaires. Le marché de la revente s’est rapidement retrouvé avec un important surplus de condominiums à vendre. Le ratio vendeurs/acheteur a culminé à près de 50 à Québec et a excédé 30 à Montréal au milieu des années 1990, soit bien au-delà de la zone d’équilibre de 8 à 10 vendeurs par acheteur.
Cette situation excédentaire a entraîné une longue période de stagnation des prix des condominiums, qui a même été ponctuée de courtes baisses tout au long de la décennie 1990. Le marché des condos a notamment été difficile pendant plusieurs années dans la grande région de Montréal et dans celle de Québec.
Aujourd'hui, le contexte économique québécois n'est certes pas tout à fait similaire à celui des années 1990, mais on peut tout de même s'interroger : l’essor de la construction neuve risque-t-il d’inonder le marché, de provoquer un surplus généralisé et par suite d’entraîner une baisse de prix des condominiums au Québec?
Attention au marché haut de gamme à Montréal
Même si le marché de la revente de copropriétés est globalement à l’équilibre dans la province (ration de 8 à 10 vendeurs par acheteur), la situation est différente selon la gamme de prix. C'est que le marché haut de gamme est déjà en surplus, d'après l'étude de Desjardins.
Dans la grande région de Montréal, cela concerne globalement les condos dont le prix excède les 800 000 dollars; et sur l'île-même, le million de dollars. Il y a des zones géographiques où c'est plus criant qu'ailleurs : parmi la trentaine de zones analysées par Desjardins Études économiques pour la grande région de Montréal, seulement trois se trouvent dans cette situation, c'est-à-dire avec un ratio vendeurs/acheteur situé entre 16 et 20. Il s'agit des condos existants de 800 000 à 1 million de dollars du secteur Ville-Marie (centre de l’île), ceux entre 300 000 et 400 000 dollars à Laval et ceux de 200 000 à 300 000 dollars à l’Est de la Rive-Nord. «Les nouvelles constructions dans ce créneau représentent donc un risque important», dit Hélène Bégin, économiste principale, dans son étude.
Ce n'est pas tout. Certaines zones comportent un risque «très élevé», car le ratio vendeurs/acheteur excède le seuil de 20. C’est le cas pour les copropriétés de plus de 1 million de dollars dans la grande région de Montréal et sur l’île-même. Et en périphérie, la situation est «critique» sur la Rive-Nord pour les appartements de 300 000 à 400 000 dollars.
En contrepartie, d’autres zones sont en pénurie, notamment les condominiums situés sur l’île dont le prix est inférieur à 500 000 dollars. Sur la Rive-Nord, la Rive-Sud et à Laval, les condominiums existants de moins 200 000 dollars sont insuffisants pour répondre à la demande. «Ce produit destiné essentiellement aux premiers acheteurs présente donc le plus fort potentiel de marché dans la grande région de Montréal», estime l'économiste principale de Desjardins.
Vigilance à Québec
Dans la grande région de Québec, la revente est globalement à l’équilibre, même si une pénurie persiste pour les condos de moins de 200 000 dollars. Trois zones géographiques sont déjà «en léger surplus» dans la gamme de 200 000 à 300 000 dollars, soit Charlesbourg, Beauport et la Rive-Sud, où la construction a été particulièrement forte ces dernières années. Étant donné que le ratio vendeurs/ acheteur se situe juste au-dessus de l’équilibre, soit de 11 à 15, le niveau de risque est «modéré» dans ces trois zones pour cette gamme de prix, si bien que «la vigilance est de mise pour les promoteurs». Au-delà de 400 000 dollars, certaines zones sont «en léger surplus», mais le faible volume de condominiums de luxe ne permet pas de préciser les secteurs les plus risqués.
Par ailleurs, l’offre de copropriétés est assez bien comblée dans la Basse-Ville de Québec et à Limoilou puisque le marché est équilibré dans le cas des unités de moins de 300 000 dollars. Les autres zones de la grande région de Québec sont toutes en pénurie pour les fourchettes inférieures de prix. «Les promoteurs qui se concentrent sur des produits bon marché continueront d’écouler facilement les nouvelles unités dans la région de Québec», soutient Mme Bégin.
Des risques finalement limités
Bref, les signes de profonds déséquilibres du marché des copropriétés sont peu présents au Québec. Les possibilités de baisses de prix sont par conséquent limitées à certaines zones géographiques qui sont déjà ou sur le point de basculer en situation de surplus.
«Dans ce contexte, il est peu probable que le marché du condominium provoque une diminution généralisée des prix de l’immobilier dans la province. La situation s’avère toutefois plus à risque à Montréal puisque le tiers des ventes totales sont des condos dans la grande région et près de la moitié de l’île. À Québec et Gatineau, l’importance se trouve nettement plus faible, ce qui rend l’ensemble du marché moins vulnérable à une correction de prix», dit Mme Bégin.
Et d'ajouter : «À moins d’une détérioration importante du contexte économique qui ferait chuter la demande d’habitations, le secteur résidentiel devrait tenir le coup. Les nouvelles mesures du gouvernement fédéral concernant les prêts hypothécaires devraient d'ailleurs aider à apaiser l’activité sur le marché de l’habitation au Québec».