Maxime Rémillard se défend de crier victoire. N’empêche, le jeune chef d’entreprise ne se faisait pas prier cette semaine pour déclarer «mission accomplie».
C’est qu’au terme de sa deuxième année de programmation, la chaîne de télévision V affirme avoir réussi à dégager son premier bénéfice d’exploitation depuis son apparition dans l’univers télévisuel québécois.
De combien? Impossible de savoir avec précision, V Interractions étant une propriété de Remtar, une société familiale à capital fermé, tenue on ne peut plus privée.
«Son baiia (bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement) est de 7,5%», laissera tout de même tomber du bout des lèvres, à force d’insistance, son coprésident et chef de direction, Maxime Rémillard. Un baiia de 7,5%, sur un chiffre d’affaires de quelque 60 M$, selon l’estimation qu’en fait LesAffaires.com.
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Pas mal lorsqu’on sait que lors de son acquisition en 2008, TQS déclarait des pertes de 18 M$ sur un chiffre d’affaires de 100M$ par année, et qu’entre 1986 et 2007, celle qui se présentait comme le Mouton noir de la télé québécoise aura réussi à perdre un total de 250 M$.
Renversement de tendance
Les frères Maxime, 36 ans, et Lucien Rémillard, 38 ans, sont parvenus à renverser la tendance par une révision en profondeur –souvent contestée- des façons de faire de TQS, acculée à la faillite.
Repositionnement de la marque, élimination des productions maison, fermeture de la salle de nouvelles et des émissions d’information qu’elle produisait; l’effort de guerre aura rapidement permis de réduire les dépenses de la station de quelque 35 M$ par année.
Résultat : si l’auditoire et donc le chiffre d’affaires de la station ont glissé depuis les belles années de TQS, admettent ses dirigeants, la station a réussi en contrepartie à se forger un auditoire à la fois plus jeune et mieux ciblé, au grand bonheur des annonceurs.
Par exemple, V compterait 49% d’auditoire masculin, contre 44% pour TVA et seulement 41% pour Radio-Canada (SRC). Au niveau de l’âge, selon BBM, seulement 39% de son auditoire est composé des plus de 55 ans, contre 48% chez TVA et 55% à la SRC.
Les annonceurs de boissons, de voitures et autres produits visant plus spécifiquement la clientèle masculine y trouvent apparemment leur compte. À tel point, soutient la direction, que V parvient aujourd’hui à s’attirer, grâce à une «contre-programmation» axée sur le divertissement, l’attention de quelque 70% des adultes de mois de 49 ans, justement recherchés par la majorité des annonceurs.
Revenus inattendus
Ce ciblage plus serré de l’auditoire lui a permis de voir ses revenus augmenter de 14% au cours du dernier exercice, prenant fin le 31 août dernier, alors que la moyenne de l’industrie n’a vu ses revenus augmenter que de 5,2%. Et la tendance se poursuivrait : au cours des six premières semaines, V verrait ses revenus croître de 19% par rapport à la même période l’année précédente.
C’est en partie grâce à ses efforts dans les créneaux du «5 à 7 en famille» (17 à 19 heures) et de la toute fin de soirée (après 22 heures). Mais également grâce avec ses activités numérique sur le web, apparemment déjà rentables.
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«Elles ne comptent encore que pour moins de 5% de nos recettes, mais ce sont là des revenus qui n’existaientt à peu près pas par le passé et qui, grâce à nos contenus vidéo, attirent de plus en plus d’attention et donc de revenus», explique Marc Giguère, anciennement de TVA et des chaînes spécilisées d’Astral, devenu vice-président ventes et chef de l’exploitation commerciale de V Interractions, la maison mère de V.
Redevances et nouvelle bataille
Autre occasion de réjouissance: à moins d’un renversement imposé par la Cour Suprême qui a accepté d’entendre l’appel, V sera en mesure de profiter de revenus de redevances imposées par le CRTC aux distributeurs par câble et satellites qui diffusent son signal.
Une question d’équité, selon M. Rémillard, qui se mesurera en millions de dollars lorsque versés dans les coffres de la station. «Oui, c’est important pour nous. Cela nous permettra de compter sur un revenu complémentaire qui sera prévisible sur le long terme. Ce n’est pas rien.»
«Nous ne comptions pas là-dessus. Notre plan d’affaires avait été fait sans ces redevances, bien qu’elles faisaient parties des hypothèses pour le moyen et long terme. Nous voulions faire la preuve de la viabilité de l’entreprise sans elles, ce que nous avons réussis à faire», se réjouit M. Rémillard.
Qu’adviendra-t-il de cet argent? Reviendra-t-elle à l’écran ou se perdra-t-elle dans les activités de Remstar, propriété de V?
«Nous en avons fait un engagement, c’est très clair pour nous. Peu importe ce qui nous sera versé des distributeurs, il sera réinvesti à l’écran.»
Après avoir attaqué les créneaux des 17 à 19 heures et du 22 heures et plus, la direction de V entend faire du 20 à 22 heures son prochain champ de bataille.
Des investissements dans des «émissions dramatiques et autres types d’émissions prioritaires» sont à l’agenda. Ce qui exclut par contre tout espoir de retour dans le créneau de l’information, précise bien M. Rémillard.
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