Les économistes interrogés par LesAffaires.com ne lanceront pas de fleurs au gouvernement Marois pour les changements fiscaux qu’il souhaite mettre de l’avant. Le Parti québécois ne met pas l’économie du Québec en péril pour autant.
« C’est légèrement négatif, commente Stephen Gordon, professeur au département d’économie de l’Université Laval. Je dirais que ce n’est pas si important que ça. »
Même son de cloche chez Jacques Marcil, économiste de la Banque TD. « C’est difficile à prévoir, admet-il. On peut penser que ça fera plus de bruits que d’effet. »
Rappelons que le gouvernement Marois veut adopter deux nouveaux paliers d’imposition : un pour les revenus supérieurs à 130 000 $, et l’autre pour ceux gagnants plus de 250 000 $. Le tout sera instauré rétroactivement. Autrement dit, pour les revenus gagnés en 2012.
La diminution du crédit d’impôt sur le dividende et les gains en capitaux serait aussi adoptée rétroactivement. Le ministre des Finances, Nicolas Marceau, a cependant ouvert à un compromis, mardi.
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À court terme, la mesure aurait un peu d’impact, selon Jacques Marcil. « En théorie, si la mesure ne fait que déplacer la fiscalité sans en changer la taille, l’impact serait nul, estime-t-il. La question est davantage de savoir quel sera l’impact à long terme sur la confiance des investisseurs étrangers. »
La réaction de la presse internationale aurait davantage un impact que ce qui s’écrit ici. « Beaucoup de dirigeants étrangers n’en entendront parler du Québec que par The Economist », donne en exemple M. Marcil.
De plus, il sera difficile d’imputer une faiblesse future de l’économie à la décision du PQ. Comme les impacts se feront sentir à long terme d’autres facteurs pourraient avoir influencé l’économie, peu importe la direction qu’elle prendra, reconnaît M. Marcil.
Décourager l’investissement
Augmenter l’impôt des plus fortunés pourrait décourager les dirigeants d’une entreprise qui veut s’implanter en Amérique du Nord, ajoute Marc Pinsonneault, économiste pour la Banque Nationale. « Pas au point où j’irai enlever des points de pourcentage à mes prévisions de croissance.»
Maurice N. Marchon, professeur à l’HEC, est le plus sévère. « C’est très négatif, déplore-t-il. Les plus éduqués, surtout les jeunes qui sont moins attachés à l’endroit où ils sont nés, vont s’en aller. On oublie qu’il faut produire la tarte avant de la redistribuer. »
Stephen Gordon, croit, lui aussi, que les contribuables changeront leurs comportements pour éviter de payer trop d’impôt. M. Gordon ne pense pas cependant qu’on assistera à une fuite massive des cerveaux.
Interrogé lundi, Yves Chartrand, fondateur du Centre québécois de formation en fiscalité (CQFF), indiquait que les contribuables changeraient leurs comportements et que le gouvernement n’obtiendrait probablement pas les sommes espérées. PLUS : Impôts rétroactifs : est-ce que ça sera suffisant?
Un effet stimulant pour la consommation?Du côté d’Études économiques Desjardins, on refuse de se prononcer puisque trop d’éléments doivent encore prendre forme. « Il y a encore un manque à gagner pour financer l’abolition de la taxe santé ; il y aura d’autres mesures à être annoncé, explique Benoit P. Durocher. On peut aussi difficilement anticiper ce que feront les ménages avec l’argent qu’ils obtiendront de l’abolition de la taxe santé. »
En théorie, une baisse d’impôt est plus profitable à l’économie lorsqu’elle est remise aux ménages moins fortunés, explique M. Durocher, qui ne peut pas dire si ce sera le cas cette fois-ci. Pourquoi? Les personnes plus aisées peuvent davantage épargner tandis que les moins fortunés réinvestissent généralement, ce que l’État leur redonne. Les Québécois étant déjà endetté il est difficile de prévoir, ce qu’ils feraient de l’abolition de la taxe santé, nuance M. Durocher.
Stephen Gordon de l’Université Laval ne croit pas que l’argent remis aux ménages de la classe moyenne puisse donner un coup de pouce à l’économie. « Si nous étions en récession, cela aurait pu avoir l’effet d’un stimulus, mais la récession est terminée, répond-il. Cela n’aura pas d’impact.»