La zone euro ne parviendra pas à sortir de la crise qui l’afflige sans une union politique, a dit l’ancien gouverneur de la Réserve fédérale (Fed), Alan Greenspan, devant les participants de la Conférence de Montréal.
Le sujet du discours d’Alan Greenspan portait sur les facteurs qui ont freiné la reprise économique américaine. L’allocution était suivie d’une période de questions animée par l’ancien ministre conservateur Michael Fortier. L’animateur a posé davantage de questions sur la situation en Europe.
«En ce moment, les pays du sud de l’Europe empruntent sur la carte de crédit des pays du nord, a répondu l’économiste de 86 ans. C’est toujours la même chose, les pays du nord enregistrent des surplus et ceux du sud font des déficits. »
Si Greenspan a raison, l'euro est cuit
La solution passe donc par une union politique pour assurer la survie de l’union monétaire, a défendu celui qui a servi sous quatre présidents américains. « Sans union budgétaire, je ne vois pas comment on pourra conserver l’euro, prévient-il. Autrement dit, les pays du Nord devront exercer un contrôle sur les finances de la Grèce et de l’Espagne. Vous ne pouvez pas avoir un État providence, si vous ne contrôlez pas votre budget. »
Selon celui qu’on surnommait l’Oracle, la source du problème en Europe est culturelle. Il nomme le taux d’épargne et l’économie souterraine comme les principaux traits à retenir. Tous les pays en difficulté font piètre figure sur ces fronts, constate l’économiste. Selon lui, les dirigeants européens ont été trop optimistes quand ils ont cru que les pays changeraient leur culture après l’adoption de l’euro.
Bien que présentée comme plus vertueuse que ces consoeurs européennes du sud, l’Allemagne a trouvé son compte dans l’euro. « Angela Merkel (la chancelière allemande) est favorable au maintien de la zone euro, croit Allan Greenspan. L’Allemagne a utilisé la faible valeur de l’euro pour doper ses exportations et réduire son chômage. »
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États-Unis
En ce qui concerne l’économie américaine, le ton n’était pas plus optimiste. La reprise économique est freinée par l’incertitude et par l’impossibilité des économistes de trouver un consensus sur les solutions à la crise.
Contrairement aux autres reprises économiques depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’économie américaine n’a pas profité d’une reprise des investissements à long terme des entreprises et des investissements des ménages dans l’immobilier résidentiel. Ces deux secteurs représentent près de 8% du PIB américain. Le problème, c’est que ces deux acteurs économiques n’ont plus confiance dans le futur lointain.
La solution n’est pas évidente pour les économistes qui influencent à leur tour les politiciens, constate M. Greenspan. « Il y a d’un côté 40% des économistes qui croient que le marché doit régler lui même le problème ; j’en suis, a-t-il admis. Les autres pensent qu’il faut intervenir pour stimuler l’économie. Nous influençons les politiques, mais il n’y a pas de consensus viable sur la démarche à suivre. »
En réponse à une question de M. Fortier, Allan Greenspan a indiqué qu’il ne croyait pas que les programmes de relance auraient un impact. « La question est de savoir ce qui relancera l’économie. Selon moi, ce serait d’en faire moins et de laisser le système se calmer. Mais ce n’est pas ce dont on parle en ce moment. Ce que nous faisons actuellement ne fonctionne pas.»
Sur le front politique, les élus républicains et démocrates sont moins enclins à faire des compromis, a-t-il répondu à M. Fortier qui lui a demandé s’il pouvait partir en vacances sans craindre une autre crise liée au relèvement du plafond de la dette. Il estime que les élus constateront l’impossibilité d’éviter les compromis, mais cela ne se fera pas sans pression. « Je vous suggère de prendre des vacances pour ne pas assister à ça», termine-t-il sous les rires de l’audience.