BLOGUE. Je me suis juré, en acceptant de faire cette chronique, de ne jamais écrire «je vous l’avais pourtant bien dit….» mais là, toutes mes excuses, c’est plus fort que moi, je ne puis résister. En novembre 2000, j’écrivais dans ce même journal « …il devient évident qu'il n'existera pas deux sortes de consommateurs, l'un en ligne et l'autre traditionnel(…) plusieurs études montrent déjà que les internautes apprécient la simplicité et la sécurité que leur procurent des détaillants ayant à la fois pignon sur rue et commerce sur le Net. »(1).
Cet humble constat, fait il y a déjà plus de 12 ans, explique en partie la décision, annoncée jeudi par le géant américain Best Buy, de fermer plusieurs de ses magasins au Canada.
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Bien entendu la conjoncture actuelle n’a pas aidé. Alors que jusqu’en 2008 les produits électroniques avaient soutenu les ventes au détail, propulsant année après année les achats de Nöel, ce type de produits, depuis 2010, subissait des baisses marquées. La conjoncture n’explique cependant pas tout.
Pour moi, deux chiffres sont à retenir : 1- la proportion des ventes de produits électroniques qui se fait sur le Web frôle désormais les 30% (2)et, 2-, la proportion des ventes de Best Buy qui passe par le Web est à peine de 6%!(3)
Au moment où les ventes de produits électroniques sur le Web croissent de 16% en moyenne par année, il est clair que Best Buy n’a pas su suivre la parade au même rythme que ses concurrents, ce qui a résulté en d’importantes pertes de parts de marché.
En fait, n’eut été de l’ouverture de nouveaux magasins, notamment à l’extérieur des États-Unis, les pertes de Best Buy, au cours des dernières années auraient été encore plus lourdes. Juste pour leur dernier trimestre de 2012, sur la base de magasins comparables, Best Buy a affiché une diminution de ses ventes de 4,3%.
Une leçon apprise à la dure mais qui aurait pu être évitée. Ironique quand même lorsque l’on pense que Best Buy demeure encore aujourd’hui le plus gros vendeur d’appareils permettant aux consommateurs d’avoir accès au Web!
Pourtant des signes pointaient depuis longtemps en cette direction, des signes qui portent un nom: le showrooming.
Une sonnette d'alarme pour les détaillants
Une sonnette d'alarme pour les détaillants
Mon collègue Sylvain Sénécal, professeur à HEC Montréal et titulaire de la chaire RBC en commerce électronique RBC groupe financier, a bien étudié cette question. Pour lui il devient évident qu’une tendance profonde s’installe chez les consommateurs.
Ceux-ci ont de plus en plus tendance à aller en magasin afin de voir, d’essayer et même de se faire expliquer les produits qu’ils souhaitent acheter pour ensuite les acheter à moindre prix sur le Web. Or, selon plusieurs études, le magasin champion (bien malgré lui) toutes catégories de cette tendance serait, vous l’aurez deviné, Best Buy.
Pas surprenant lorsque l’on sait que les produits électroniques constituent la plus importante catégorie de produits vendus sur le Web et que Best Buy est le plus important détaillant de ce type de produits.
Bref, cette tendance à aller en magasin pour ensuite acheter sur le Web est bel et bien là pour rester et elle fait mal. Certaines entreprises, tel Apple, l’ont bien compris et ont modifié leur réseau de distribution en conséquence. N’espérez pas trop de la rentabilité au pied carré d’une boutique Apple, car elle risque d’être négative. Pour cette entreprise, c’est le total des opérations qui compte.
Pour tout détaillant, ce qui se passe chez Best Buy doit servir de sonnette d’alarme. Quelque soit le commerce de détail, celui-ci perd possiblement des ventes aux dépens du Web. Si ces ventes réapparaissent sur son site alors, il n'y auraitpas de problème.
Mais si cela se passe sur un autre site, là, il y a un problème. Selon le secteur, ce sont désormais entre 6 et 40% des ventes qui ont fuit les magasins traditionnel (4). C’était prévisible en 2000, c’est maintenant réalité. Or, compte tenu de la conjoncture actuelle, aucun détaillant ne peut se permettre de perdre ne serait-ce que 6% de ses ventes.
Les stratégies Web de nos détaillants sont-elle adéquates? Celle de Best Buy, de toute évidence, ne l’était pas.
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(1)Jacques Nantel « Le commerce électronique. Comment vendre dans internet : Le réveil est brutal pour bien des détaillants » Les Affaires, Cahier spécial, samedi 11 novembre 2000, p. 4
(2) Basé sur la donnée américaine mais les tendances sont les mêmes au Canada. Le volume de vente sur le Web pour les produits électroniques se chiffraient en 2011 à 49 milliards (source : e-Marketer) alors que le total des ventes étaient de 170 milliards (source : Us Bureau of Census table 999).
(3)Best Buy Co. inc. Annual Report. 3 Mars 2012 et Internet Reatailer mars 2011
(4)eMarketer. Novembre 2012