Surprise, le gouvernement libéral est majoritaire. C'est dire qu'il pourra mettre en œuvre son programme économique sans concession. Trois grandes questions à l'équipe économique de Justin Trudeau.
Avant de les amener, un peu de mise en contexte.
C'est une intéressante expérience économique qui est sur le point de s'engager au pays. Depuis plusieurs années, à tous les paliers, le mot d'ordre était au renflouement des états financiers.
À la surprise générale, les libéraux passent sur la gauche le NPD et arrivent avec un programme d'investissements nettement plus important que ce qui se faisait jusqu'à maintenant. Si l'on met de côté les baisses d'impôt à la classe moyenne, le cœur du projet repose sur les investissements en infrastructures. Le programme actuel prévoit une injection de 65 G$ sur 10 ans. Le plan du PLC double le montant à 125 G$. Et il s'amorce justement avec un doublé pour les deux premières années (de 5,3 à 10 G$).
Le but de l'opération est double.
1-Stimuler l'économie pour faire davantage tourner les entreprises canadiennes.
2-Combler le retard de mise à niveau (routes, ponts, système d'épuration des eaux, etc.) tout en construisant des infrastructures modernes, qui facilitent les gains de productivité (notamment en transport collectif).
Il y a cependant un coût: déficit de 10 G$ la première année, idem la deuxième, 5,7 G$ la troisième et un surplus de 1 G$ à la quatrième.
Dit simplement, on accepte d'avoir des dépenses plus fortes que les entrées régulières pendant quelques années pour rénover et améliorer la maison. Après coup, on reprend son train de vie en fonction de la croissance économique.
Rien contre l'expérience, étant donné le relativement faible taux d'endettement du fédéral, mais quelques clarifications sont nécessaires.
Première question: qui supporte le risque?
Le plan s'appuie sur les croissances économiques suivantes du PIB:
1% en 2015-16;
2,7% en 2016-17;
2,4% en 2017-18;
2,2% en 2018-19;
2,2% en 2019-20;
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT
Si la croissance projetée est au rendez-vous, tout fonctionne. Si elle n'y est pas, et n'est que de moitié celle anticipée pour 2016-17, plus rien ne tient. La chaîne débarque et on est en déficit structurel.
Qui est au bâton pour le risque? Les promesses du PLC ou le bilan du gouvernement fédéral? En d'autres mots: le 10G$ de déficit en 2016-17 est-il une cible budgétaire incontournable (à atteindre quitte à revenir sur des promesses) ou s'il peut creuser à 15 G$ dans l'espoir d'un rebond plus important du PIB dans l'avenir?
On a beaucoup vécu d'espoir dans l'histoire financière du Canada. Ces espoirs (de redressement) déçus sont la cause de plusieurs de nos malheurs d'aujourd'hui
La marge de tolérance devrait être précisée par l'équipe économique.
En page 2: Est-on certain que les mesures de renflouement sont suffisantes?
2e question: Est-on certain que les mesures de renflouement sont suffisantes?
Pour que le budget arrive à un surplus de 1G en 2019-20, il faut en cours de route récupérer 3 G$ en dépenses fiscales.
Le PLC ne cherche pas à récupérer des dépenses de fonctionnement, mais des avantages dont bénéficient certains contribuables. Ainsi, on comprend que le gain en capital sur les options des hauts dirigeants sera imposé à 100% plutôt qu'à 50%. Il y aura aussi un renforcement de la lutte à l'évitement fiscal, de même qu'une diminution du recours aux consultants.
Rien n'est vraiment spécifiquement quantifié.
Il faudrait prochainement clarifier. Peut-on chiffrer plus précisément les postes de récupérations?
3e question: Le plan infrastructures est-il vraiment exécutable?
Dernière interrogation, qui concerne le cœur du programme. Le projet d'augmentation des investissements en infrastructures est-il vraiment exécutable?
On sait que le budget fédéral en infrastructures augmente, mais plusieurs des programmes d'infrastructures semblent être à coûts partagés. Or, les provinces n'ont pas, elles, la même capacité financière que le fédéral.
Comment fonctionnera le plan d'investissement? Les formules actuelles demeureront-elles intactes? Le fédéral rendra-t-il son injection conditionnelle à ce que les provinces fassent comme lui et en ajoutent?
Ici aussi il faudra plus d'éclairage. Dépendamment du plan retenu, l'effet de stimulation et les coûts pour chacun ne sont pas les mêmes.
SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT