Neuf banques et institutions financières, dont la Caisse, le Fonds et la Nationale, s'unissent pour tenter d'acquérir les bourses de Toronto et Montréal et ainsi damer le pion à la Bourse de Londres. Bonne nouvelle?
Si les autorités réglementaires donnent leur aval au projet de Maple Group Acquisition, Londres n'a probablement aucune chance de succès, étant d'avance perdante à la surenchère. La clef de la transaction envisagée par le groupe des neuf réside en effet dans la création d'une structure aux effets quasi-monopolistiques qui ne peut être répliquée par d'autres (les banques contrôlent les pièces maîtresses ajoutées que sont Alpha et CDS).
Jusqu'à maintenant, nous n'étions pas contre la fusion du Groupe TMX et de la Bourse de Londres. La Grande-Bretagne n'est pas très forte dans le produit dérivé et elle veut faire de Montréal sa plateforme pour le développement de tels produits. Un hic important toutefois: qu'arriverait-il à Montréal si Londres devait un jour être achetée par une plus grosse entité. Chicago par exemple, cette spécialiste du dérivé et des ressources naturelles. Les activités de Montréal risqueraient alors d'être intégrées et de quitter le sol québécois.
D'autres inquiétudes semblaient animer les grandes banques. Luc Bertrand y a fait allusion par la bande, lors de la conférence téléphonique.
"Il y a danger que les grandes sociétés ne migrent vers le London Stock Exchange au niveau de l'inscription", a-t-il dit. Il aurait pu poursuivre en expliquant qu'il y avait aussi danger que les grandes sociétés décident de se financer en faisant appel aux grandes et petites firmes installées à Londres. Ou que ces firmes ne viennent jouer davantage dans le financement canadien.
Alors, vive le nouveau groupe?
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Alors, vive le nouveau groupe?
Voyons pour chacun.
Pour l'actionnaire. Si vous êtes actionnaire, la proposition est actuellement de 24% plus élevée que ce qu'offre Londres. C'est assurément gagnant. Et pour l'avenir, le plan de match apparaît tout aussi porteur.
Pour Montréal. C'est plus difficile à dire.
Du projet dévoilé hier, il ressort que le nouveau groupe veut développer de nouvelles solutions qui permettraient de doter différents produits financiers de garanties de paiement. En acquérant CDS, qui exploite actuellement une chambre de compensation pour les actions et les obligations, le nouveau groupe se trouverait à contrôler les deux grandes chambres de compensation au Canada (l'autre étant celle des produits dérivés de Montréal).
On voit tout de suite la manne financière possible si les règles internationales (et c'est ce qui s'en vient) obligent certains contrats qui se négocient actuellement de gré à gré (swaps, repos, etc.) et sans garantie à passer par ces chambres. Le monopole serait sans doute réglementé au chapitre des tarifs, mais l'arrivée de nouveaux volumes créerait pas mal de richesse.
On voit moins bien cependant qui de Montréal ou Toronto en bénéficierait. Il peut être présumé que la Caisse et le Fonds de solidarité ont obtenu certaines garanties pour le développement de ces solutions à partir de Montréal, mais cela n'est pas nettement ressorti. La consonance uniquement anglophone du nom du groupe n'envoie d'ailleurs pas un signal d'influence québécoise très rassurant.
Cela dit, Montréal ne serait pas moins maîtresse de sa destinée que dans la situation actuelle, et le demeurerait davantage que si Londres achète (et est ensuite rachetée).
Probablement plus avantageux pour Montréal, donc, mais des précisions seraient souhaitables.
Voyons maintenant voir pour les sociétés et la société en générale maintenant.
Faut-il s'inquiéter de l'approche monopolistique?
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Faut-il s'inquiéter de l'approche monopolistique?
À l'évidence, la clef de cette transaction réside dans la création d'une structure à effet quasi-monopolistique. C'est à partir de celle-ci, en ajoutant CDS et la plateforme de négociation concurrente Alpha, que le groupe des neuf peut en arriver à créer plus de valeur avec le groupe TMX que ce que peut espérer créer le London Stock Exchange.
Faut-il s'en inquiéter?
Monsieur Bertrand plaide que la concurrence attaque de toute part et que plusieurs plateformes alternatives de négociation (de petites bourses électroniques) comme Pure Trading ou Omega sont agressives sur le marché. Il ajoute qu'il faut voir le marché non pas uniquement sur une base canadienne, mais nord américaine, alors que des titres comme Potash et Research in motion sont à 80% négociés aux États-Unis.
Il lui faudra étoffer davantage devant le Bureau de la concurrence. Ensemble, la Bourse de Toronto et Alpha contrôleront 80-90% des volumes de transaction sur le marché des actions. Une situation peu favorable aux frais de transaction. Il n'est pas clair jusqu'à quel point le contrôle sur les chambres de compensation ne permettra pas également d'étouffer la concurrence sur les produits actuels ou ceux à venir.
Le Bureau de la concurrence a du pain sur la planche et, si elle est autorisée, cette acquisition pourrait bien être assortie de conditions supplémentaires.
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