On peut lire tout et son contraire sur la crise grecque depuis l’annonce dramatique d’un référendum grec par le premier ministre Alexis Tsipras, à minuit vendredi.
À lire en page 2: des spécialistes appellent au calme
Certains diront qu’une sortie de la zone euro est presque automatique si la Grèce ne verse pas au Fonds monétaire international les 1,77 milliard de dollars américains dus demain.
Ce camp croit aussi que la fermeture forcée des banques et le contrôle des capitaux aggraveront le déclin économique du pays déjà dysfonctionnel et précipiteront son éjection de la zone euro.
D’autres évoquent la création d’une monnaie parallèle, liée à l’euro, pour que les entreprises grecques puissent payer leurs factures et importer leurs biens.
Des optimistes disent qu’une sortie grecque de l’union monétaire enlèverait une épine dans le pied de la zone euro, tout en donnant de la crédibilité à la monnaie unique parce que les autorités font justement respecter les règles qui gouvernent son existence.
Comment y voir clair? En prenant du recul. La Grèce représente 2% de l’économie européenne et 0,3% de l’économie mondiale. C’est bien peu.
La Grèce consomme aussi très peu d’exportations de ses voisins. Moins d’un pour cent des exportations italiennes par exemple se dirigent vers la Grèce. La proportion pour les autres pays du G7 est encore plus modeste.
Les banques commerciales européennes détiennent aussi très peu d’obligations grecques dont la propriété a été transférée aux institutions européennes, en 2012.
De plus, le grand argentier européen, Mario Draghi, se prépare à un «Grexit» potentiel depuis longtemps et dispose de divers outils non conventionnels ainsi que 1000 milliards d’euros pour éviter un effet de contagion en rachetant des obligations souveraines.
En d’autres mots, même si l’économie grecque s’aggravera, les pare-feu mis en place pour l’Europe devraient fonctionner, s’accordent à dire les observateurs.
C’est d’ailleurs ce consensus qui explique la réaction modérée des marchés le 29 juin. Avec des pertes de 4% en Europe et de 2% en Amérique lundi, plusieurs Bourses ont conservé la majeure partie des gains engrangés la semaine précédente, en plein optimisme concernant une entente imminente.
Une majorité d'investisseurs font aussi le pari qu’une sortie de l’euro peut encore être évitée, grâce à un vote favorable des Grecs, dimanche prochain.
La décision de la Banque centrale européenne (BCE) de garder intact le plafond des liquidités d’urgence qu’elle a allongé aux banques grecques suggère qu’elle mise aussi sur un tel scénario.
Quelques réactions
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Quelques réactions
Chez le gestionnaire d’actions étrangères Hexavest, on préconise la prudence, même si le problème grec est circonscrit grâce aux mécanismes à la disposition de M. Draghi.
«Il est prématuré de sauter sur les occasions. Non seulement le consensus est encore optimiste, mais le référendum grec ne règlera pas les problèmes du pays ni ceux des autres maillons faibles de l’Europe», justifie Marc Lavoie, vice-président, marchés européens d’Hexavest.
À son avis, le contexte n’est pas propice pour jouer au héros en Bourse, «avec des actions américaines chères, une bulle chinoise qui se dégonfle et la Fed qui s’apprêter à retirer son soutient monétaire à l’économie», indique-t-il.
Les investisseurs qui tiennent à profiter de la crise pour acheter des actions européennes devraient le faire de façon graduelle, car d’autres soubresauts surgiront à nouveau.
Chez First Trust Advisors, les économistes recommandent carréement à leurs clients d’ignorer complètement la crise grecque. «La Grèce risque de tomber dans une deuxième dépression, mais ses problèmes reçoivent beaucoup trop de couverture médiatique. Ce n’est pas un Lehman Brothers», écrit Brian Wesbury.Le Fonds monétaire international, l’Union européenne et la Banque centrale européenne peuvent absorber les pertes d’une défaillance grecque, assure l’économiste. «Tout recul des actions américaines serait une occasion d’achat», conclut M Wesbury.
Le stratège américain de Canaccord Genuity, Tony Dwyer, prend encore plus de recul en rappelant qu’après la crise asiatique de 1997 et la défaillance de la Russie en 1998, la Bourse américaine a rapidement récupéré des pertes spectaculaires.
En 1997, le S&P 500 a baissé de 13% en quinze jours pour ensuite rebondir de 35% jusqu’au sommet de juillet 1998.
En 1998, le S&P 500 a chuté de 22% en 57 séances, pour regagner 53% ensuite jusqu’au sommet de 2000.
«La croissance américaine a gagné en vigueur pendant ces deux périodes, malgré un dollar américain fort et des cours affaiblis pour les ressources naturelles», ajoute aussi le stratège.
Son collègue canadien Martin Roberge, voit aussi dans le recul une occasion d'achat, puisque le système financier et l'économie américaine sont en bien meilleure posture qu'en 2011-12, lors des autres périodes de crise pour la Grèce.
À court terme par contre, il est possible que la fin du 2e trimestre et le congé de la fête nationale aux États-Unis freinent l'élan habituel des pros d'acheter des actions sur faiblesse des cours, préviennent d'autres observateurs.