Les stratèges et les pros étaient nombreux à prévoir et même à souhaiter un repli en Bourse, le S&P 500 américain ayant grimpé depuis quatre ans sans un recul de 10% et plus.
Certains estimaient que les cours devaient revenir sur terre pour dégonfler certains excès et s’ajuster à une conjoncture moins rose que le consensus.
La plongée sans précédent de 1000 points du Dow Jones, lundi matin, ainsi que le plongeon de 11% du S&P 500, rappellent l’adage qu’il faut parfois «faire attention à ce que l’on souhaite».
Les négociateurs peu nombreux avant la réelle rentrée de septembre et l’onde de choc créée par la dévaluation surprise du yuan par la Chine, le 10 août, ont exacerbé le mouvement de chute.
Les craintes d’une dévaluation compétitive des monnaies, à l’image de la crise asiatique de 1998 et la frousse que l’économie chinoise tire le reste du monde avec elle vers le bas, font fuir les investisseurs.
Les yeux se tournent donc vers la Chine où le gouvernement devrait instaurer de nouvelles mesures pour relancer le crédit et son économie.
Ses récentes interventions, pour freiner le plongeon de sa Bourse notamment, ternissent la réputation de l’économie la plus «dirigée» au monde.
La réunion annuelle des bonzes de la finance mondiale, à Jackson Hole (Wyoming), plus tard cette semaine, pourrait aussi montrer des signes bienvenus de concertation, indique Luc Vallée, stratège de Valeurs mobilières Banque Laurentienne.
Déjà, les probabilités que la Fed hausse son taux directeur pour la première fois sont en chute libre, ce qui fait faiblir le dollar américain.
C’est exactement le répit dont les pays émergents ont besoin pour stabiliser leurs monnaies et permettre à leurs banques centrales de stimuler leur économie, explique Martin Roberge, stratège quantitatif canadien, de Canaccord Genuity.
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Un signal d’achat pour un stratège
Son collègue chez Canaccord Genuity, le stratège américain Tony Dwyer, attendait une telle raclée depuis un bon moment, pour envoyer à ses clients à un signal d’achat, ce qu’il a fait ce matin.
Plusieurs indicateurs-clés, surtout techniques, l’assurent que le moment est bien choisi pour acheter des actions à nouveau. Ses secteurs favoris : la finance, la consommation discrétionnaire et la technologie.
À son avis, le recul des indices a rattrapé le déclin déjà enregistré par nombre de titres en Bourse, au cours des derniers mois.
Le titre moyen du S&P 500 et du Russell 2000 avait respectivement chuté de 19% et de 27%, par rapport à leur sommet de 52 semaines, en date du 21 août, rappelle-t-il.
«L’incertitude concernant la croissance mondiale et la politique de la Fed sont déjà intégrés dans les cours des titres en Bourse et, maintenant, dans les indices», écrit M. Dwyer.
Parmi ses indicateurs, M. Dwyer cite l’indice de volatilité, qui a grimpé de 50% à 28, la semaine dernière. Le VIX a touché 58 lundi.
Le 21 août, à peine 3% des titres du S&P 500 se négociaient au-dessus de leur moyenne mobile de 10 jours et 29% au-dessus de leur moyenne mobile de 50 jours.
Seulement 37,7% des auteurs de lettres financières étaient optimistes, le niveau le plus faible depuis octobre, selon le plus récent sondage Investors Intelligence.
D’autres indicateurs suggèrent que les indices pourraient avoir atteint un point d’appui, tels que le volume record pour les fonds négociés en Bourse (FNB) conçus pour profiter d’une baisse des cours ainsi qu’un volume d’options de vente d’actions 70% supérieur à celui des options d’achat.
De plus, les actions ont rarement été aussi peu chères par rapport aux obligations, indique M. Dwyer. Les actions s’apprécient dans 77% des cas, lorsque le ratio qui compare les actions aux obligations est aussi extrême qu’actuellement.
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Un autre stratège prône la prudence
Un autre ratio qui divise le multiple cours-bénéfice du S&P 500 à l’indice de volatilité VIX du CBOE envoie aussi un signal d’achat, note M. Vallée.
Pourtant, le stratège de Valeurs mobilières Banque Laurentienne prône la prudence.
«Essayer de sortir des marchés et d’y revenir, comme les pros, est un exercice futile pour la plupart des investisseurs», écrit-il.
Bien qu’il n’y ait pas de crise de crédit à l’horizon et que les bas prix des matières premières et les faibles taux constituent de bons amortisseurs pour l’économie, il vaut mieux laisser la tempête passer, selon lui.
«Avant de prendre de nouvelles positions sur les marchés, nous préférons avoir davantage d’information à propos des intentions et des engagements des banquiers centraux. S’ils interviennent rapidement et de façon crédible, les marchés vont s’améliorer. S’ils commettent des bévues ou sont incapables de gérer la situation, les marchés pourraient entrer dans un marché baissier», craint-il.