BLOGUE. J’ai déjà écrit que c’était la saison des rapports annuels. Et avec elle vient le temps de la divulgation de la rémunération des dirigeants. De quoi nous donner la nausée!
J’estime trier mes sociétés et mes dirigeants avec grande discipline. Le temps et l’expérience m’aident à identifier les meilleurs dirigeants. Même dans cette catégorie, je ne peux qu’admettre qu’il y a certains abus dans leur rémunération.
Je ne parle même pas de ces cas extrêmes qui font les manchettes, de dirigeants qui mènent leur société à la banqueroute tout en se remplissant les poches avec la complicité complaisante de leur conseil d’administration.
Je parle de sociétés bien gérées, par des dirigeants rationnels, intègres et compétents. Même là, il arrive que je doive me pincer le nez.
L’industrie bancaire américaine est un bon exemple. Le président du conseil et chef de la direction de M&T Bank, Robert G. Wilmers, dans son message à ses actionnaires publié dans son rapport annuel de 2011, pointe courageusement du doigt les excès de ses collègues banquiers.
«La rémunération moyenne des PDG de quatre des six plus grandes banques en 2010 a été de 17,3 millions de dollars US – plus de 262 fois celle du travailleur américain moyen. Une banque avec 33 000 employés a réalisé un rendement de l’avoir des actionnaires de 3,7% en 2011; pourtant, ses employés ont gagné en moyenne 367 000$ US chacun – plus de cinq fois ce que gagne l’Américain moyen.»
La lecture du message de M. Wilmers, que je vous recommande très fortement, nous fait comprendre que l’industrie bancaire est scindée en deux : d’un côté, il y a les banques traditionnelles qui font leur argent en prêtant prudemment aux consommateurs et aux entreprises; de l’autre côté, il y a ces méga-banques dont le principal but est le «trading» dans le but de se remplir les poches peu importe les conséquences. Ces dernières dépensent des millions de dollars en lobbying pour défendre leurs petits intérêts personnels (selon M. Wilmers, les plus grandes banques américaines ont dépensé 31,5 millions de dollars en 2011 en lobbying).
Exemple positif
Il y a par contre des exemples, rares il faut le dire, de politique de rémunération rationnelle. Par exemple, je vous invite à jeter un regard au rapport annuel et à la circulaire de Markel Corporation, un conglomérat actif dans l’assurance (elle ressemble à Berkshire Hathaway et à Fairfax).
Les hauts dirigeants, pour avoir droit à des primes, doivent atteindre certains niveaux de performance objective. Ainsi, pour avoir droit à une prime de 50% de leur salaire, il faut que la valeur comptable ait crû d’au moins 11% en moyenne sur cinq ans sur une base composée.
Par exemple, lors des cinq dernières années terminées le 31 décembre 2011, la valeur comptable de Markel a crû de 9% composé par année. Ce qui signifie qu’Alan Kirshner, président du conseil et chef de la direction, et Steven Markel, vice-président du conseil n’ont eu droit à aucun boni en 2011. Le premier a reçu un salaire de 650 000$ US et une rémunération totale de 672 000$ US l’an dernier et le deuxième un salaire de 600 000$US (641 791$ US au total).
C’est vraiment très raisonnable dans le contexte actuel et étant donné la taille de la société. Markel a des actifs de 11,5 milliards de dollars US et une valeur boursière de 4,3 milliards.
Les actionnaires ne veulent pas que les dirigeants fassent vœu de pauvreté, loin de là. Ils veulent juste sentir que les dirigeants sont dans le même bateau qu’eux et qu’ils participeront, les deux, à la création de richesse.
Malheureusement, beaucoup trop souvent, c’est loin d’être le cas.
Bernard Mooney
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