Je vais surprendre plusieurs lecteurs. Malgré ma grande admiration pour ce qu'ont accompli Warren Buffett et Charles Munger avec Berkshire Hathaway depuis qu'ils en ont pris le contrôle en 1965, assez pour que j'en parle comme étant une réussite fabuleuse, ce n'est pas le plus grand succès d'affaires de tous les temps.
Cette marque appartient au géant américain Apple.
Valeur boursière de 700 G$ US
C'est ce que je me suis dit quand les médias ont rapporté la semaine dernière que la société technologique de Cupertino avait franchi le cap extraordinaire des 700 milliards de dollars américains en valeur boursière.
En effet, avec le titre à 122 $ US, l'entreprise californienne vaut environ 710 G$ US.
Pour donner un exemple de l'ampleur de ce chiffre, Apple est à peu près deux fois plus grande que chacune des trois plus importantes sociétés au chapitre de la taille du S&P 500, soit la pétrolière Exxon Mobil (383 G$ US), Berkshire (370 G$ US) et Google (363 G$ US), selon la firme de recherche FactSet.
Jamais une société n'a atteint une telle évaluation. Et le mérite d'Apple est encore plus grand lorsqu'on sait que le titre ne se vend même pas à 20 fois les bénéfices. Au sommet de la vague techno, en décembre 1999, Microsoft a dépassé, brièvement, les 500 G$ US en valeur boursière. Mais le titre se vendait à plus de 35 fois les bénéfices. Quinze ans plus tard, Microsoft vaut environ 350 G$ US.
La performance du titre d'Apple est exceptionnelle, ayant explosé de 64 % en un an. Depuis son entrée en Bourse, en 1980, la société fondée en 1977 a offert un rendement de 50 600 % !
Mais le plus grand mérite d'Apple se trouve dans sa performance financière. À son plus récent trimestre, terminé à la fin de 2014, la société a accru ses revenus de 30 % et ses bénéfices de 37 % par rapport au trimestre correspondant un an plus tôt. Ce sont des taux de croissance qu'on ne voit que dans de très petites entreprises, et encore.
Pourtant, ses revenus trimestriels ont atteint 74,6 G$ US et ses bénéfices, 18 G$ US. On parle d'un seul trimestre. Vraiment fabuleux, et selon moi, du jamais-vu et un exploit qu'on ne reverra pas de sitôt, sinon jamais ! De plus, la qualité des bénéfices est exceptionnelle, Apple générant des liquidités que bien des pays aimeraient avoir.
Les bénéfices trimestriels d'Apple sont les plus élevés de l'histoire. Jamais aucune société, peu importe le secteur, n'a publié des profits aussi énormes. Pas Wal-Mart, ni Berkshire.
Une industrie meurtrière
Enfin, et ce qui est un élément clé dans mon analyse, Apple a réalisé cela dans une industrie difficile. Réussir et durer dans le secteur technologique n'est pas seulement très ardu. C'est aussi très rare. La concurrence est féroce ; les produits ont une durée de vie réduite ; les changements sont fréquents et quasi imprévisibles.
Les vedettes pendant quelques années se retrouvent souvent dépassées et en déclin. Parlez-en à BlackBerry, entre autres.
Ce sont tous ces facteurs qui me font dire qu'Apple est la plus grande réussite d'affaires de tous les temps.
C'est une société remarquable, pas de doute. Toutefois, sa réussite deviendra son ancre, si on regarde plusieurs années en avant. En raison de sa taille, il est inévitable que la croissance d'Apple ralentisse.
Tim Cook, président et chef de la direction, n'est pas d'accord. Dans un récent entretien au Wall Street Journal, il a déclaré : « Je ne crois pas à la loi des grands nombres. C'est un dogme ».
Selon cette loi, le taux de croissance doit diminuer à mesure qu'une société grossit.
Malgré mon respect et mon admiration pour le travail de M. Cook, qui a remplacé en 2011 avec brio Steve Jobs, je crois qu'il a tort.
Apple, à ses quatre derniers trimestres, a généré des bénéfices de plus de 44 G$ US sur un chiffre d'affaires de 199 G$ US (incroyable, n'est-ce pas ?). Croître de 15 % signifie qu'Apple doit ajouter près de 30 G$ US en nouveaux revenus et près de 7 G$ US en bénéfices au cours des 12 prochains mois.
C'est plus élevé que les revenus de nombreuses sociétés faisant partie du S&P 500 et actives depuis des décennies !
Une planète trop petite
De plus, cela signifie que l'année suivante vous devez trouver encore 15 % de plus et ainsi de suite. Ce qui est essoufflant, voire impossible à long terme, même pour des entreprises de grande qualité, oeuvrant dans des secteurs en croissance.
Maintenir un rythme de croissance annuelle de 15 % pour les cinq prochaines années signifie qu'Apple se retrouverait en 2020 avec un chiffre d'affaires de 400 G$ US et un bénéfice net d'environ 77 G$ US.
La planète est tout simplement trop petite pour une société de cette taille.
En terminant, plusieurs se demandent si Apple deviendra la première société de tous les temps à atteindre la valeur boursière de 1 000 G$ US. Aidée par une évaluation plus élevée, je crois que ce n'est qu'une question de temps.
Mais ce pourrait bien être un plafond empoisonné pour cette société extraordinaire.
Bourse
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