La diversification économique de municipalités mono-industrielles

Publié le 23/03/2022 à 10:00

La diversification économique de municipalités mono-industrielles

Publié le 23/03/2022 à 10:00

Par Philippe Jean Poirier

La région du Saguenay est bien desservie en gaz et en hydroélectricité. (Photo: 123RF)

STRATÉGIES MUNICIPALES DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE. Plusieurs villes québécoises cherchent à se libérer de leurs spécialisations traditionnelles, notamment les «villes ressources» de Saguenay et de Trois-Rivières. Coup d’œil sur le parcours de ces deux municipalités mono-industrielles typiques vers une plus grande diversification économique.

En mai 2020, la Chambre de commerce et d’industrie Saguenay-Le Fjord (CCISF) a sondé 1289 entreprises québécoises — dont 89 établies dans leur région — pour découvrir que les entreprises saguenéennes étaient «les plus touchées au Québec» par la crise sanitaire. «Les résultats démontrent que nous avons besoin, plus que jamais, d’une diversification de notre économie, avait alors déclaré Carl Laberge, président de la CCISF, dans un communiqué de presse. Nous avons plusieurs créneaux solides avec l’aluminium et le bois, mais il est primordial d’en développer de nouveaux afin d’être moins vulnérables à l’avenir.»

Ce diagnostic n’est pas nouveau. En 2007, le rapport Saguenay Vision 2025 annonçait le bris du modèle mono-industriel tourné vers l’aluminium et le bois. Les symptômes constatés depuis: pertes d’emploi et exode des jeunes. L’Institut de la statistique du Québec prédit d’ailleurs que cet exode s’accentuera dans les décennies à venir, passant d’une diminution de la population de la région de 0,3% en 2021-2026 à une baisse de 2,1% en 2036-2041.

C’est pour tenter d’inverser une tendance lourde que la ville de Saguenay a identifié des secteurs «prioritaires» de diversification à partir en 2017. Ce qui a entre autres mené à l’élaboration d’un quartier numérique au centre-ville de l’arrondissement de Chicoutimi. «La raison pour laquelle nous croyons au numérique est que nous avons des institutions d’enseignants permettant le développement des talents», fait valoir Priscilla Nemey, directrice générale de la société de développement économique Promotion Saguenay. Elle mentionne l’Université du Québec à Chicoutimi, qui compte 600 étudiants inscrits dans des programmes liés au numérique, ainsi que deux cégeps, ceux de Jonquière et de Chicoutimi, qui offrent des spécialités similaires. 

Jusqu’à maintenant, le projet de quartier numérique a séduit l’éditeur de jeux vidéo Ubisoft, qui a ouvert un bureau régional en 2018, ainsi que le studio montréalais d’effets spéciaux Folks, présent à Saguenay depuis octobre dernier.

De plus, la région a récemment créé une zone industrialo-portuaire visant la transformation des métaux «d’avenir» provenant de la filière batterie, de l’hydrogène et de l’ammoniaque dits verts. «Ces industries nécessitent beaucoup d’espace et d’énergie, explique Priscilla Nemey. Cette zone est donc stratégique pour nous: elle est loin des centres urbains, tout en étant connectée à un port en eaux profondes accessible à l’année, ce qui permet de créer une intermodalité avec le train et le transport routier.» La directrice générale de Promotion Saguenay rappelle également que sa région est bien desservie en gaz et en hydroélectricité.

 

Le «rebond» de Trois-Rivières

À Trois-Rivières, le déclin économique a été aussi spectaculaire que le rebond qui a suivi. De 2000 à 2010, la ville est passée de «capitale mondiale du papier journal» à «capitale canadienne du chômage» — lorsque les journaux du monde entier ont cessé de publier leur édition papier — pour redevenir, quelques années plus tard, championne du plein emploi. 

La clé de ce revirement? «L’industrie des pâtes et papiers a su se réinventer», note d’abord Mario De Tilly, directeur général d’Innovation et développement économique (IDÉ) Trois-Rivières. En quête d’un nouveau marché, la multinationale Kruger a par exemple développé un carton de haute qualité fait de fibres recyclées visant à répondre à la demande grandissante de carton causée par la popularité des achats en ligne.

«Ça nous a fait prendre conscience que l’économie circulaire et les technologies vertes pouvaient devenir un créneau économique important pour notre ville», explique Mario De Tilly. L’administration municipale a alors posé plusieurs gestes pour soutenir cette orientation, dont la création d’un fonds d’un million et demi de dollars renouvelables chaque année — baptisé Éclore — pour stimuler les projets d’économie circulaire ou de développement durable, ainsi que la révision des critères d’admissibilité aux parcs industriels, afin de tenir compte du bilan social et environnemental des entreprises candidates.

Le dirigeant d’IDÉ Trois-Rivières cite deux succès récents qui démontrent que l’économie trifluvienne carbure désormais au vert: l’entreprise familiale Marmen, devenue un joueur mondial dans le secteur de l’énergie éolienne, et Stace, un important fabricant de panneaux solaires photovoltaïques. À cela s’ajoute la présence de l’Institut de recherche sur l’hydrogène de l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui a lancé au fil des ans plusieurs projets pilotes dans le but de convertir à l’hydrogène les grands transporteurs et aussi le transport en commun.

«Notre orientation est de faire de Trois-Rivières un des lieux les plus reconnus au Canada en matière de décarbonisation de l’économie et de transition énergétique», résume fièrement Mario De Tilly, plein d’ambition pour sa ville.

 

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