Le secret de celles qui s’en sortent mieux que les autres


Édition du 11 Novembre 2020

Le secret de celles qui s’en sortent mieux que les autres


Édition du 11 Novembre 2020

Par Olivier Schmouker

(Photo: 123RF)

EN MANCHETTE. À cause de la crise sanitaire et économique, les entreprises sont contraintes d’évoluer en plein «brouillard de guerre», incapables de voir plus loin que le bout de leur nez, de savoir ce qui les attend dans les jours et les semaines à venir. Elles ont perdu leurs repères habituels, et nombre d’entre elles s’interrogent maintenant quant à leur survie, les coups du sort pouvant provenir de n’importe où, n’importe quand. Certaines, pourtant, ont su tirer leur épingle du jeu. Lesquelles ? Celles qui disposaient, avant la pandémie du nouveau coronavirus, d’un ou de plusieurs des trois atouts suivants:

  • Le capital social

«Pour interpeller les consommateurs d’aujourd’hui, échaudés par la crise, les entreprises doivent créer du capital social, c’est-à-dire être motivées par la création de valeur non seulement pour leur clientèle, mais aussi pour toute la collectivité, dit Vincent Fortin, président de l’agence montréalaise de communication marketing Republik. C’est qu’elles ont le pouvoir – le devoir, même – de jouer un rôle actif dans leur collectivité, de travailler dans l’intérêt collectif; maximiser les profits sans considération pour la société est maintenant une pratique dépassée.»«À cela s’ajoute le fait que la volonté de créer du capital social présente de nombreux avantages; c’est notamment un outil précieux pour l’implication des employés, poursuit-il. Quand un employé ne sait plus pour quoi il travaille, quand il ne sait plus si ce qui compte ce sont les ventes ou la satisfaction de la clientèle, il se désengage irrémédiablement. En revanche, quand il a des repères solides, comme savoir que la priorité est et sera toujours d’avoir un impact positif sur l’écosystème dans lequel on évolue – fournisseurs, clients, collectivité –, il est en mesure de faire les bons choix, de contribuer au succès – aujourd’hui, à la survie – de l’ensemble des parties prenantes.»

  • Le capital local

«À Kotmo, nous avons à coeur d’avoir une production locale, dit Céline Juppeau, fondatrice du fabricant montréalais d’articles promotionnels. Nous sélectionnons minutieusement nos fabricants, en regardant par exemple s’il s’agit d’entreprises de réinsertion sociale ou d’entreprises à propriété féminine. Idem, nous considérons la distance entre notre siège social et nos fabricants.»«C’est que nous avons réalisé qu’en agissant ainsi, nous avions un impact réellement positif sur l’économie locale, que cela nous procurait un développement sain et durable, explique-t-elle. Si bien que le jour où la crise est survenue, nous étions bien outillés pour y faire face:impact minimal sur notre chaîne d’approvisionnement et de distribution, impact minimal sur la fidélité de notre clientèle, impact minimal sur l’engagement de nos employés, etc.»

  • Le capital moral

«L’important est de remettre l’humain au coeur de nos organisations, estime Esther Dormagen, présidente d’Ellio, une firme-conseil montréalaise en stratégie et en développement durable. C’est d’administrer nos entreprises en suivant des principes d’éthique et d’équité. C’est d’arrêter de se demander ce que la société peut faire pour aider notre organisation pour enfin se demander ce que notre organisation peut faire pour aider la société.»

Christian Bélair, président et cofondateur de Credo Impact, une firme-conseil montréalaise en impact social, abonde dans le même sens:«La clé, c’est de s’assurer que les efforts fournis font toujours sens, dit-il. À partir du moment où l’entreprise est là pour contribuer à un monde meilleur, et non pas pour enrichir ses seuls propriétaires, elle se met automatiquement à agir de manière éthique, mieux, de manière juste et adaptée.»

Critiques de Friedman Ainsi, les entreprises qui s’en sortent actuellement mieux que les autres présentent toutes un point commun. Elles prennent le contre-pied de la doctrine de l’économiste américain Milton Friedman, qui veut que «l’entreprise n’ait qu’une seule responsabilité sociale, celle d’utiliser toutes ses ressources pour augmenter ses profits et ceux de ses actionnaires».

Elles misent plutôt sur les capitaux social, local et moral, par-delà le simple capital financier; en particulier, en se faisant certifier B Corp, une certification accessible aux seules entreprises répondant à de suprêmes exigences sociales, environnementales, de gouvernance et de transparence, à l’image d’ailleurs de Republik, de Kotmo, d’Ellio et de Credo Impact. Ce faisant, elles s’assurent un avenir en dépit de la crise exceptionnelle que nous traversons tous.

Calvin Chu Yee Ming est associé du cabinet-conseil Eden Strategy Institute, à Singapour. Il a analysé la performance des entreprises cotées à la Bourse de Hong Kong depuis le début de la pandémie et il a découvert que les plus performantes ont été celles qui étaient réellement soucieuses des questions sociales, environnementales et de gouvernance. «Avoir de telles préoccupations rend résilient, en ce sens qu’avoir une vision et une stratégie à long terme amenuise l’impact des chocs et permet de vite s’en remettre, a-t-il indiqué lors d’une conférence virtuelle organisée par l’Université de Chicago. Ce qui inspire confiance aux investisseurs, et fait toute une différence en période de crise.»

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