À la Bourse comme dans le reste de la vie, méfiez-vous de la première impression


Édition du 29 Octobre 2016

À la Bourse comme dans le reste de la vie, méfiez-vous de la première impression


Édition du 29 Octobre 2016

Par Michel Villa

[Photo : Shutterstock]

Commençons par une mise en situation, avec un bref retour dans le temps.

Voici quatre nouvelles qui ont fait la manchette le 24 juin 2016 à la suite du résultat du Brexit, le référendum au sujet du maintien ou non du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne.

> «Débâcle en Bourse après la victoire du Brexit»

> «Brexit : les marchés subissent les secousses de l'incertitude»

> «Le Brexit provoque un séisme sur les places boursières européennes»

> «Brexit : la Bourse de Paris plonge de 8,04 % à la clôture à 4106,73 pts»

En vous fiant uniquement à cette liste, pensez-vous que l'indice S&P 500 se soit négocié à un niveau plus bas ou plus élevé un mois plus tard ?

À première vue, il était ardu d'envisager un scénario optimiste pour l'indice de référence américain, compte tenu, d'une part, des conséquences éventuelles de la victoire du Brexit et, d'autre part, de la réaction très négative des intervenants sur le marché. Malgré tout, le S&P 500 s'est échangé à un nouveau sommet historique à la fin de juillet...

«En littérature, la première impression est la plus forte.»

- Eugène Delacroix, peintre français

Afin de mieux comprendre l'effet des médias écrits sur nos perspectives de rendement boursier, il est pertinent de se référer à une étude menée par Frédéric Brochet, docteur en oenologie (la science qui a pour objet l'étude et la connaissance du vin). Dans un premier temps, l'expert a sélectionné un vin moyen de la région de Bordeaux qu'il a versé dans deux bouteilles ayant des étiquettes différentes : un grand cru et un vin de table. Dans un deuxième temps, un groupe de connaisseurs devait déguster et décrire les deux vins en utilisant des termes précis. Bien qu'ils aient goûté le même vin, ils ont vécu une expérience complètement contraire. Pour le grand cru, le vin était considéré comme agréable, boisé et complexe, tandis que le vin de table était perçu comme plutôt léger, fade et même défectueux ! D'après Frédéric Brochet, ce constat s'explique par le fait que nos attentes influencent notre expérience sensorielle. En effet, notre perception de la qualité d'un vin nous amène à porter, de manière inconsciente, un jugement instantané et sans équivoque, et ce, avant même de l'avoir bu.

Dans le domaine de l'investissement, le «biais de la première conclusion» s'apparente à ce phénomène. En effet, selon Shane Parrish, l'auteur du blogue Farnam Street, la prise de décision est un processus exigeant qui nécessite de l'effort et de la concentration. Pour cette raison, poursuit le blogueur, nous privilégions souvent une analyse plus rapide fondée sur notre première opinion. En agissant ainsi, nous omettons d'examiner la situation de manière rigoureuse, notamment en nous posant une série de questions menant notre réflexion à un niveau supérieur. Par exemple, dans le cas du Brexit, les manchettes sensationnalistes ont laissé présager le pire, ce qui a rendu les investisseurs anxieux. C'est pourquoi il était pertinent de faire fi des médias écrits et d'analyser le tout avec un certain recul. Trois questions étaient en outre valables :

> Est-il possible d'envisager, à court terme, une intervention de la part de la Banque d'Angleterre, la banque centrale du Royaume-Uni ?

> Est-ce que la faiblesse de la livre britannique, l'unité monétaire officielle du Royaume-Uni, peut être un catalyseur positif pour les marchés boursiers ?

> Quel sera l'effet du Brexit sur les intentions de la Réserve fédérale des États-Unis concernant les hausses éventuelles de son taux directeur ?

Aujourd'hui, grâce à Internet, il n'a jamais été aussi facile d'obtenir de l'information financière. Que ce soit sur des sites d'information générale ou spécialisée, l'investisseur est constamment soumis au biais de la première conclusion qui, à l'image de celui qui critique un vin, est sujet à des erreurs de jugement. Il est donc primordial de faire vos devoirs, sans quoi vous aurez l'impression de vendre souvent au mauvais moment.

Sources : «Brexit : la Bourse de Paris plonge de 8,04 % à la clôture à 4106,73 pts», Le Figaro.fr, 24 juin 2016, «Brexit : les marchés subissent les secousses de l'incertitude», Reuters, 24 juin 2016, Daniel Kahneman, Thinking, Fast and Slow, Anchor Canada, 2013, «Le Brexit provoque un séisme sur les places boursières européennes», Agence France-Presse, 24 juin 2016, Jonah Lehrer, «Does All Wine Taste The Same?», The New Yorker, 13 juin 2012, Céline Panteix, «Débâcle en Bourse après la victoire du "Brexit"», Les Échos.fr, 24 juin 2016, Shane Parrish, «Mental Models: Getting the World to Do the Work for You», FarnamStreetBlog, 1er août 2016.

Michel Villa, est un CFA, trader, formateur et conférencier sur la Bourse. Il publie sur son site Web michelvilla.com.

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