La productivité est une compétence à développer

Publié le 19/10/2021 à 09:28

La productivité est une compétence à développer

Publié le 19/10/2021 à 09:28

La productivité est une compétence à développer et cette compétence est nécessairement associée à beaucoup plus qu’un équipement ou une technologie achetée, écrit Rhéal Desjardins. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. En fonction de la définition de l’investisseur-financier que je vous ai présentée le 13 septembre dernier, vous pourriez m’accuser d’hérésie en ayant nommé Toyota comme un exemple d’investisseur-opérateur, sachant qu’elle est la mère porteuse du Lean et que ce concept est associé à des coupes à répétition dans les coûts. Je ne partage pas cet avis.

Dans un premier temps, le Lean ne doit jamais être lié à Toyota. Cette dernière proscrit fortement l’utilisation de ce mot ainsi que des concepts s’y référant à l’intérieur de ses murs. Le TPS (Toyota Production System), le TQC (Toyota Quality Control) et le TPM (Total Productive Maintenance), pratiques associées à Toyota, sont aux antipodes de ce qui est véhiculé par le Lean, car ces pratiques (soit le TPS, le TQC et le TPM) ont à leur base deux fondements essentiels à toute organisation exceptionnellement productive, soit la stabilité de main-d’œuvre et être en léger surplus d’effectifs.

Il va sans dire que vous êtes probablement médusés par mes propos qui conseillent de mettre en avant-plan ces deux fondements, et cela d’autant plus qu’on vous a peut-être déjà instruits faussement sur le fait que le Lean et Toyota sont du pareil au même.

Sachez que John Krafcik et James Womack qui, dans le cadre du projet NUMMI, ont inventé le mot Lean pour caractériser en Amérique du Nord l’approche Toyota n’ont jamais désiré qu’il soit interprété à la sauce des coupures de coûts et de la rationalisation de main-d’œuvre, cela étant contraire à l’approche Toyota.

Comprenez-moi bien, aucune organisation exceptionnellement productive ayant, entre autres, un TRG (taux de rendement global) de plus de 85 %, utilise les mots « stabilité de main-d’œuvre » et « léger surplus d’effectifs », cela n’étant pas un jargon populaire pour une multitude de directions d’organisations de type investisseurs-opérateurs, car ces dernières possèdent des franges d’investisseurs-financiers minoritaires qui seraient scandalisés par la promotion de ces deux fondements, mais c’est exactement ce qu’ils font. Ce qui est ahurissant, c’est que les organisations qui dédaignent ces deux fondements laissent beaucoup d’argent sur la table. Nous y reviendrons.

Lorsque l’on décode le fonctionnement des organisations comme je le fais depuis de nombreuses années, on est en mesure de constater que dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre vécu actuellement par toutes les organisations, l’approche de l’investisseur-opérateur, mettant en valeur l’optimisation de la productivité, est aussi nettement plus performante en matière d’attraction et de rétention de main-d’œuvre, et cela compte tenu de l’importance qu’elles accordent aux innovations routinières (Pisano – 2015) qui, combinées aux deux fondements présentés ci-haut, font en sorte d’être appréciées par les employés.

Comme déjà mentionné, je perçois la productivité comme une compétence à développer et cette compétence est nécessairement associée à beaucoup plus qu’un équipement ou une technologie achetée. Ce « beaucoup plus » est du soft qui est associé aux investisseurs-opérateurs. Conséquemment, ces derniers adoptent sous différentes formes les cinq attributs du soft qui propulsent leur organisation à un haut niveau de productivité. Permettez-moi d’introduire les cinq attributs du soft en vous présentant, dans un premier temps, la définition conventionnelle de la productivité en la comparant, par la suite et en toute humilité, à ma propre définition qui est composée de hard et des cinq attributs du soft.

 

La définition conventionnelle de la productivité

Conventionnellement, en science économique, on définit la productivité comme étant « le rapport entre une production de biens ou de services et les moyens (humains, énergie, machine, matière première, capital, etc.) qui ont été nécessaires pour sa réalisation. Cette productivité mesure l’efficacité avec laquelle une organisation utilise les moyens dont elle dispose pour fabriquer ce produit ou ce service. » (Fourastié – 1952). Si un profit résulte de l’exercice, cela devient la preuve d’une productivité efficace.

Les dirigeants d’organisation sous-estiment souvent l’immense contribution potentielle du moyen humain dans cette équation, l’origine de tous les autres moyens ainsi que de leur amélioration, confondant la notion d’efficacité avec la notion de réduction du nombre d’humains (à ne pas évaluer au même titre que la réduction des autres moyens) et ne considérant donc pas la productivité comme une compétence.

 

Ma définition de la productivité

J’ai passé des milliers d’heures dans les organisations, produit des centaines de diagnostics opérationnels, des A3 et des cycles Gemba. J’ai aussi travaillé dans plus d’une centaine d’organisations manufacturières et de services, en observant, par exemple, un agent dans un centre d’appels, une équipe de fumistes brasquer une cuve d’aluminium, un ingénieur réalisant un projet d’infrastructure ou encore un superviseur stabiliser un employé.

J’ai été à même de constater ce qui avait un impact positif, voire très positif, à long terme et d’émettre comme postulat que la productivité est composée de 50 % de hard et de 50 % de soft dans les organisations les plus productives.

La partie hard de la productivité est composée, notamment, des éléments suivants :

  • Équipements et outillages;
  • Systèmes d’énergie;
  • Ressources financières;
  • Aménagement des bureaux ou de l’usine;
  • Organigramme de cheminement des travaux ou VSM;
  • Fiches techniques de fabrication;
  • Diplômes du personnel, qualifications professionnelles et expérience;
  • Certifications de qualité ou autres;
  • Meilleures techniques ou pratiques manufacturières et de gestion (ou, en anglais, BMMP, pour Best Management and Manufacturing Practices).

 

Quant à la partie soft de la productivité, elle est composée des cinq attributs suivants, tous d’égale importance, incarnant aussi le principe des valeurs.

  • La qualité de la relation avec le supérieur immédiat;
  • L’exclusion des « C » et des « D » players;
  • La stabilité de la main-d’œuvre;
  • Être légèrement en surplus d’effectifs;
  • La croissance à long terme.

 

 

La suite dans un mois.

À propos de ce blogue

Au cours des 30 dernières années, Rhéal Desjardins est intervenu comme consultant dans plus de 200 organisations dans des dossiers aussi divers que la rémunération, la formation coaching et l’optimisation de la productivité. Il a fondé son propre bureau de consultation en 1996. En 2019, il a écrit un livre intitulé «Passionné par la productivité, viscéralement humain».

Rhéal Desjardins

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