Le Lit de Procuste est le symbole du conformisme, contre lequel lutte Taleb. Photo : DR
BLOGUE. Qui sait ce que lui réserve demain? Personne. Absolument personne. Demandez aux Japonais ce qu’ils en pensent, si vous avez un doute à ce sujet…
Pourtant, nous sommes, vous et moi, des machines à faire des prévisions. Si nous n’essayions pas d’anticiper ce qui va nous arriver demain ou après-demain, nous ne nous sentirions pas bien. Nous aurions probablement peur, ne sachant pas à quoi nous attendre. Et ceux qui font profession de prévisions en font leurs choux gras, ce que ne manque pas de dénoncer avec virulence un penseur contemporain remarquable, Nassim Nicholas Taleb.
Qui ça? Nassim Nicholas Taleb, l’auteur du Cygne Noir, un best-seller qui résume sa pensée sur le risque et l’incertitude. Sa théorie dite du Cygne Noir considère que nous surestimons la valeur des explications rationnelles faites a posteriori des événements passés et que nous sous-estimons l’importance – pourtant majeure – de l’inexplicable, de l’aléatoire dans les données issues du passé. Dès lors, toute prévision du futur et projections de probabilités apparaissent, à ses yeux, comme «une supercherie», et ne font qu’accroître l’impact des événements imprévisibles quand ils se produisent. Pour lui, le passé ne peut pas servir à prédire naïvement le futur.
M. Taleb sait de quoi il parle. Ce Libano-Américain est surnommé «le dissident de Wall Street» dans les milieux financiers, ayant agi pendant une vingtaine d’années comme courtier en Bourse à New York et à Londres, alors spécialisé dans le risque lié aux événements rares et imprévus. Il est actuellement professeur en ingénierie du risque a l'Institut Polytechnique de la New York University.
Je parle aujourd’hui de lui parce qu’un événement imprévisible est survenu : je serai en congé la semaine prochaine, et je ne le savais pas encore il y a quelques jours de cela. Mon prochain post sera donc mis en ligne lundi prochain, le 21 mars.
D’ici-là, je vais partager avec vous quelques-uns des brillants aphorismes que M. Taleb a concoctés dans son dernier livre, intitulé The Bed of Procrustes (Random House, 2010). Ce titre s’explique parce que dans la mythologie grecque, Procuste offrait l’hospitalité aux voyageurs, mais pour mieux les torturer sur son lit, en coupant les membres qui dépassaient pour les plus grands, ou en étirant ceux-ci pour les plus petits. Il s’agit-là du symbole du conformisme, le Lit de Procuste désignant toute tentative de réduire les hommes à un modèle unique, dans leur façon de penser ou d’agir…
Voici six de ses aphorismes à méditer, qui ont tous un lien plus ou moins direct avec la créativité. Un par jour d’ici lundi prochain, si vous voulez :
«An idea starts to be interesting when you get scared of taking it to its logical conclusion.»
«The test of originality for an idea is not the absence of one single predecessor but the presence of multiple but incompatible ones.»
«Your brain is most intelligent when you don’t instruct it on what to do – something people who take showers discover on occasion.»
«Procrastination is the soul rebelling against entrapment.»
«A genius is someone with flaws harder to imitate than his qualities.»
«What fools call «wasting time» is most often the best investment.»