Ildar Khakimov a décidé de concevoir la Spycup, qu'il utilise incognito ci-dessus, après avoir avoir été questionné par la police japonaise. [Photo : Julien Brault]
Ildar Khakimov, un Montréalais d’origine russe, a conçu une fausse tasse grâce à laquelle ce sera désormais un jeu d’enfant de filmer son prochain à son insu. La tasse, dont la campagne Kickstarter a amassé 5 797$, a toutefois été conçue afin d’aider les journalistes et les activistes à capturer des images qui dérangent. « On veut aider les gens à exposer au monde la vérité sans courir de risque », m’a confié Ildar Khakimov, qui m’a semblé bien intentionné.
L’entrepreneur derrière la Spycup a eu l’idée de créer la tasse suite à un séjour au Japon en septembre 2012. Il s’était alors rendu dans le village de Taiji, pour capturer des images à l’occasion de l’ouverture de la chasse aux dauphins, qui attire chaque année son lot d’activistes opposés à cette pratique. Identifié par la police parce qu’il filmait, Ildar Khakimov s’est retrouvé dans un poste de police pour subir un interrogatoire.
La police nippone avait alors relâché Ildar Khakimov immédiatement, mais lui avait aussi donné une idée qui ne l’a pas quitté depuis. De retour à Montréal, l’idée a toutefois vite été remisée, puisqu’Ildar partageait alors son temps entre son emploi chez CGI et sa start-up naissante, CallerCenter.com. Au fil du temps, les revenus générés par sa start-up lui ont permis de quitter son emploi, puis en août dernier, il l’a vendu à FlyDart pour 250 000 $.
Depuis lors, il se consacre à temps plein à Spycup, et a fabriqué plusieurs prototypes fonctionnels imprimés en 3D. Les intéressés ont encore 9 jours pour précommander la tasse sur Kickstarter qui, à ce prix, sera livrée avec une télécommande Bluetooth permettant de déclencher la caméra de leur téléphone discrètement. Le tout devrait être fabriqué en Chine, grâce à l’expertise de la Montréalaise ADI Accelerator, qui perçoit un pourcentage des ventes des start-ups qu’elle accompagne.
J’ai eu l’occasion d’essayer un prototype de la Spycup, qui prend la forme d’une tasse isotherme contenant un support à téléphone. Sa bordure supérieure est recouverte d’un film semi-réfléchissant, à travers lequel il est possible de filmer ou de prendre des photos. J’ai eu l’occasion d’essayer la tasse pour filmer à leur insu de pauvres clients du café de mon immeuble et je pense être passé inaperçu.
Le seul risque, en utilisant la Spycup pour filmer, est d’oublier vers où l’objectif de son téléphone pointe à l’intérieur de la tasse ou encore que quelqu’un nous demande de prendre une gorgée. Il est en effet impossible de faire cohabiter un téléphone et du café dans la tasse, une fonctionnalité qu’on aurait demandé plus d’une fois à Ildar Khakimov.
Ce n’est probablement pas tous ceux qui se procureront une Spycup qui le feront pour des raisons aussi nobles que dévoiler des vérités qui dérangent... ou incommoder des pêcheurs japonais. En effet, la tasse pourrait aussi bien être utilisée pour faire de l’espionnage industriel que pour démasquer le collègue qui pige dans votre boîte à lunch au bureau. Cela dit, force est de constater qu’à l’heure des montres intelligentes, des Google Glass et des gadgets comme le Narrative, le droit à la vie privée est déjà bien relatif dans les lieux publics.
Sur ce, je vais aller manger mon sandwich au dauphin et méditer là-dessus.