Depuis près d'un mois, les drapeaux arc-en-ciel habillent les logos de nombre d'entreprises à Montréal. Beaucoup de banques, mais pas que des banques. Nous-mêmes en faisons autant à la Une de ce numéro, dont la manchette porte sur le fait qu'en affaires, comme dans le reste de la société, la communauté LGBT (lesbiennes, gais, bisexuels et transsexuels) est de plus en plus visible et assumée.
L'étalage de ces drapeaux ne fait pas que des heureux. En fait, ceux qui s'en chagrinent le plus sont des militants LGBT eux-mêmes. Un exemple : plusieurs ont choisi de ne pas participer au défilé de la Pride à San Francisco, en juin, jugé trop «corporate». Le fait est qu'aujourd'hui les grandes entreprises qui prennent position contre les lois discriminatoires anti-LGBT de certains États américains se comptent par centaines. Tant mieux. Elles ne veulent pas être du mauvais côté de l'Histoire. Mais elles veulent faire l'Histoire (à la place de la société civile), dénoncent les militants les plus puristes.
«C'est un fragile équilibre, reconnaît Éric Pineault, président et fondateur de Fierté Montréal. Parce que notre événement n'est pas juste culturel, il est aussi politique et revendicateur.» Ajoutez des objectifs d'affaires et vous obtenez un cocktail pour le moins délicat.
Une chose est sûre : si les entreprises privées n'y mettaient pas du leur, de Fierté, il n'y en aurait point. Fierté Montréal, c'est un budget de près de quatre millions de dollars, dont environ la moitié en commandites de services. Les festivaliers, eux, contribuent à hauteur de 5 à 10 %. Les gouvernements financent le quart des opérations. Le reste de la facture, ce sont des entreprises privées qui le payent.
«L'argent corporatif, c'est un réel soutien. Oui, ils ont beaucoup de visibilité, mais ils servent à faire tous ces petits projets où leurs noms ne sont même pas écrits», souligne Éric Pineault. Un exemple : les événements parrainés par Fierté Montréal en terrain hostile. «L'année dernière, nous sommes allés à Kiev. Il y a eu des bombes, des attaques à l'arme blanche... Cette année, nous étions en Inde, où faire partie de la communauté LBGT est criminel», rappelle-t-il.
Grâce à l'argent du secteur privé, de petits organismes communautaires peuvent prendre part au défilé à coût modique, voire gratuitement. Au-delà des chars allégoriques flamboyants des commanditaires, une kyrielle de petits acteurs de la communauté peuvent se faire connaître. Parce que, n'en déplaise aux puristes, les entreprises aussi sont des acteurs sociaux, et la commandite, un de leurs moyens d'expression.
Julie Cailliau
Rédactrice en chef
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