La Caisse fait-elle un bon coup avec Colonial? C'est la question qui se pose alors que l'institution vient d'acheter pour 850 M$ US l'intérêt de ConocoPhillips dans le plus important pipeline en Amérique.
D'abord, un peu de background.
Le pipeline Colonial transporte des produits raffinés et s'étend sur 8 800 kilomètres, du golfe du Mexique au nord-est des États-Unis.
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La transaction survient alors que ConocoPhillips est à se délester de ses éléments d'actifs plus périphériques pour se concentrer dans la production et l'exploration pétrolières.
La Caisse a eu vent de l'intention du géant américain de laisser aller sa participation parce qu'elle a également une participation avec lui dans Interconnector, un oléoduc qui relie la Belgique au Royaume-Uni.
Une bonne affaire?
Il s'agit de l'un des plus importants investissements de l'institution au cours des dernières années. Et, malheureusement, la moyenne au bâton de la Caisse lorsqu'elle s'élance pour la longue balle, n'est pas extraordinaire. On a qu'à penser à Quebecor Media ou encore à BAA.
Selon ce que l'on comprend des explications fournies, une enchère limitée a eu lieu pour l'actif, en raison de sa complexité et de sa taille.
Acheter un pipeline réglementé dans un contexte de taux d'intérêt au plancher, et à l'enchère de surcroît, n'apparaît pas à première vue la transaction du siècle. Le marché a généralement tendance à faire monter la valeur de ces sociétés lorsque les taux baissent parce que les dividendes qu'elles versent deviennent plus concurrentiels avec les autres placements. Dans l'éventualité d'une hausse des taux d'intérêt, le risque est cependant que la valeur ne se mette à descendre.
Le potentiel est d'autant plus difficile à jauger que les résultats de Colonial ne sont pas publics.
Le seul repère disponible est en fait la vente par Chevron, l'an dernier, de sa participation de 23,4% dans Colonial. Le National Pension Service of Korea et le fonds d'investissement Kohlberg Kravis Roberts avaient à ce moment payé 1,1 G$ US.
Par une simple règle de trois, sur les mêmes paramètres, la Caisse aurait dû payer autour de 775 M$ US pour son intérêt de 16,5%. À 850 M$, elle paie plutôt 9% de plus que lors de l'enchère d'il y a un an.
Il faut cependant noter que l'indice des services publics a progressé d'environ 10%, à New York, entre l'an dernier et cette année.
La Caisse note aussi que les paramètres ont évolué et que, quoique jugés modestes, deux projets d'expansion se sont ajoutés pour Colonial. Elle ajoute qu'en cas d'inflation, la réglementation permettra d'absorber d'éventuelles hausses de coûts et de maintenir la rentabilité. À long terme, poursuit-elle, l'actif contribuera à la progression du rendement. Ce qui suppose qu'elle s'attend à un apport de plus de 7% par année.
On n'est jamais très enthousiaste lors d'acquisitions qui font l'objet de mise à l'enchère. À court et moyen terme, on pourrait bien se faire jouer un petit tour, si les taux remontent. À long terme, on donnerait cependant le bénéfice du doute. D'autant que, contrairement aux grands élans précédents, de par la réglementation, le risque est cette fois bien contenu.