La scène se passe il y a quelque temps, à notre club vidéo.
- Ça fait 3,45 $, indique la préposée.
- Il doit y avoir une erreur, c'était 4,60 $ dans le passé. C'est une nouveauté, pas un vieux film.
- Non, non, les prix ont baissé, précise la préposée.
C'est à la foi joyeux et perplexe qu'on est rentré à la maison. Joyeux, en se disant qu'on venait de faire un intéressant gain en pouvoir d'achat. Perplexe, en se disant qu'il ne faudrait tout de même pas que la déflation ait raison du club vidéo.
L'anecdote nous est revenue à l'esprit en prenant connaissance, il y a quelques jours, des chiffres du box-office pour l'année 2014 : un genre de drame d'horreur.
Au Canada, les revenus d'assistance ont baissé de 7 % durant cette période. En Amérique du Nord, le recul est de 5,2 %. Pour donner un peu de perspective, en Amérique, seules les années 2005 (- 5,8 %) et 1985 (- 7 %) ont été pires au cours des 35 dernières années.
Depuis le début de 2015, ça stagne, mais avec une légère tendance baissière. L'industrie du grand écran vient-elle de perdre pied et de s'engager dans une chute irrémédiable qui la conduira au tapis ?
La thèse compte ses partisans.
La vidéo sur demande gagne en popularité. Ce n'est pas pour rien que des clubs vidéo sont forcés de sabrer les prix et que nombre d'entre eux disparaissent. Il y a aujourd'hui bon nombre de contenus accessibles gratuitement, et la vidéo semble, de surcroît, de plus en plus visionnée sur tablette. La possibilité de regarder un film ou une série à n'importe quel moment et pratiquement à n'importe quel endroit fait désormais du grand écran une option secondaire.
Certes, la thèse se défend. On se garderait cependant de conclure trop vite.
Les fossoyeurs pourraient bien être en train de creuser pour rien, écrit Aravinda Galappatthige, de Canaccord Genuity, dans un récent commentaire.
Un déclin séculaire dans une industrie à maturité ne se manifeste généralement pas abruptement, dit-il, mais de façon graduelle.