La francophonie, le nouveau marché émergent


Édition du 06 Septembre 2023

La francophonie, le nouveau marché émergent


Édition du 06 Septembre 2023

Le français est aussi la troisième langue des affaires dans le monde, après l’anglais et le mandarin. (Photo: 123RF)

ZOOM SUR LE MONDE. C’est sans doute le marché émergent le plus prometteur, mais qui est sous l’écran radar des entreprises québécoises. Bienvenue dans la francophonie, un marché de plus de 321 millions de locuteurs, qui pourrait en compter 750 millions d’ici 2050, selon l’Alliance des patronats francophones (APF), dont fait partie le Conseil du patronat du Québec (CPQ).

La francophonie regroupe 54 pays ou États sous-nationaux dont le français est la langue officielle ou l’une des langues officielles, ou qui comptent une minorité de francophones, d’après l’Organisation internationale de la Francophonie. On y retrouve entre autres le Canada, le Québec, la France, le Sénégal, le Liban et le Vietnam.

La francophonie est un poids lourd économique. Elle pèse pour 20 % du commerce international de marchandises et 16 % du PIB mondial, en plus d’abriter 14 % des réserves de ressources minières et énergétiques de la planète, d’après l’APF, un organisme fondé à Paris en 2022.

Le français est aussi la troisième langue des affaires dans le monde, après l’anglais et le mandarin. La langue de Molière pourrait bien devenir la deuxième, voire la première, d’ici 2050, en raison du boom démographique en Afrique, notamment dans des pays francophones, comme la République démocratique du Congo (RDC).

Fait méconnu, la francophonie est un espace économique très dynamique. En 2021, en pleine pandémie de COVID-19, la croissance moyenne du PIB réel dans l’ensemble des pays francophones s’est établie à 7 %, selon l’APF.

À titre de comparaison, en 2021, les cinq pays du BRICS affichaient des taux de croissance tantôt plus haut, tantôt plus bas, que la moyenne de la francophonie : Brésil (4,6 %), Russie (4,7 %), Inde (8,7 %), Chine (8,1 %) et Afrique du Sud (4,9 %), d’après le Fonds monétaire international (FMI).

Le PIB du Canada et des États-Unis avait respectivement crû de 4,5 % et 5,7 %.

Malgré l’émergence de la francophonie, la Chine et l’Inde demeurent des marchés émergents dynamiques. C’est sans parler des dix pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), « la nouvelle usine du monde », comme on surnomme ce regroupement qui comprend l’Indonésie, le Vietnam et la Thaïlande.

 

Vers une Chine moins dynamique à long terme

En revanche, un pays comme la Chine commence à avoir des problèmes majeurs, comme une pénurie d’eau, un taux de chômage élevé chez les jeunes et un déclin de sa population.

Ainsi, selon l’Académie des sciences sociales de Shanghai, la population chinoise pourrait passer de 1,4 milliard à 587 millions d’habitants en 2100. L’ONU prévoit qu’elle descendra à 732 millions, ce qui représente néanmoins une chute de 50 %.

Or, avec la productivité (la quantité d’unités de PIB produite par heure travaillée), la démographie est un déterminant majeur de la croissance économique dans un pays, disent les économistes.

Quant à la population de l’Inde, elle devrait se stabiliser à 1,5 milliard d’habitants à la fin du siècle, selon le scénario médian de l’ONU.

À la lumière de ces statistiques, on comprend que les besoins en matières premières, en équipements, en biens et en services de toutes sortes seront immenses dans cet espace francophone dans les prochaines années.

Les entreprises du Québec peuvent en profiter, insiste auprès de « Les Affaires » le président du CPQ, Karl Blackburn. « La francophonie économique représente une opportunité réelle pour nos entreprises », dit-il.

Certes, il y a des occasions en Europe, en France, en Belgique, en Suisse, mais aussi en Afrique francophone. Sur le continent africain, l’expertise du Québec peut être particulièrement intéressante dans les domaines de l’éducation, de la transition énergétique, de la décarbonation de l’économie et de la gestion des chaînes logistiques, selon Karl Blackburn.

L’Afrique a aussi besoin de solutions pour s’adapter aux changements climatiques. Le continent est déjà confronté à des répercussions plus graves que la plupart des autres régions du monde, bien qu’il soit le moins responsable du problème, souligne un rapport de l’Agence internationale de l’Énergie (« Africa Energy Outlook 2022 »), publié en 2022.

 

Des occasions, mais aussi des risques

Si la francophonie regorge d’occasions d’affaires, elle présente aussi des risques importants pour les entreprises, surtout en Afrique.

Ces dernières années, plusieurs coups d’État militaires ont renversé des présidents élus de pays francophones d’Afrique de l’Ouest, notamment en Guinée, au Mali, au Burkina Faso et, tout récemment, au Niger. Pourtant, cette partie du continent était réputée pour sa stabilité politique, selon une analyse de la radio publique allemande Deutsche Welle.

Du reste, la plupart des marchés présentent des risques, à commencer par les pays du BRICS — surtout la Russie, que la plupart des entreprises occidentales ont quittée depuis l’invasion de l’Ukraine.

La firme Deloitte estime qu’il y a une douzaine de risques d’affaires en Afrique, incluant les changements inattendus aux lois et règlements, les perturbations des chaînes d’approvisionnement ainsi que le vol, la fraude et la corruption.

La francophonie est donc un marché émergent à considérer tout en faisant preuve de prudence. Du reste, en finance comme en affaires, plus le risque est élevé, plus le rendement espéré est généralement élevé.

 

Avec la collaboration de Jade Trudelle

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand

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