Loi sur l'intégrité : il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain

Publié le 06/07/2013 à 00:00

Loi sur l'intégrité : il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain

Publié le 06/07/2013 à 00:00

Par Jean-Paul Gagné

Aux prises avec une forte baisse de sa popularité, le gouvernement Marois pense avoir trouvé sa planche de salut dans le rétablissement de l'intégrité dans l'industrie de la construction.

Le gouvernement a eu raison de faire voter la Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics (loi 1). Toutefois, même si l'objectif de cette loi est justifié, on constate après coup que celle-ci ne donne pas au gouvernement assez de marge de manoeuvre pour intervenir dans des situations critiques. N'ayant pas prévu tous les effets pervers de cette loi, on se retrouve maintenant avec un mécanisme qui, appliqué bêtement, risque d'avoir des impacts graves sur des milliers de travailleurs qui n'ont rien à se reprocher, sur l'avenir de notre secteur du génie-conseil, que l'État a contribué à développer, et même sur la structure industrielle du Québec.

Dessau, première victime de cette loi, vient de mettre à pied 100 salariés. Et ce n'est qu'un début, car celle-ci réalise environ 75 % de son chiffre d'affaires québécois dans le secteur public, un marché qui lui est interdit pour cinq ans. Dessau (5 000 employés, dont 3 700 au Québec) en appellera de la décision de l'Autorité des marchés financiers (AMF), mais si elle échoue de nouveau, c'en sera fait de cette firme dans sa forme actuelle. Ou bien elle sera démantelée, ou bien certains de ses actifs seront liquidés, en partie peut-être au bénéfice de sociétés étrangères. Si SNC-Lavalin n'obtient pas elle non plus son attestation d'intégrité, il est probable qu'elle reçoive de firmes étrangères des offres d'achat d'éléments d'actif qu'elle ne pourra refuser.

Le gouvernement Marois se comporte dans ce dossier comme s'il ne se préoccupait pas des victimes collatérales de sa loi. «Il n'y aura pas d'amnistie, a déclaré le ministre Jean-François Lisée. Certaines entreprises vont mourir et être remplacées par de jeunes entreprises plus saines.»

On peut se demander si le manque d'empathie du ministre Lisée ne résulte pas de la volonté de son gouvernement d'exploiter au maximum le filon de l'intégrité pour redorer son blason. M. Lisée semble ignorer que les petites firmes d'ingénierie n'ont ni les ressources financières, ni la profondeur des grandes sociétés pour s'attaquer à des projets d'envergure. Accepter le démantèlement de nos grandes firmes de génie-conseil serait saccager un héritage précieux de la Révolution tranquille et un important vecteur de prospérité pour l'avenir du Québec.

Besoin de leadership

On est loin du leadership exercé par l'ex-premier ministre Robert Bourassa, qui a été l'un des grands artisans de la fusion de SNC et de Lavalin lorsque cette dernière avait connu des difficultés en 1991.

Ce serait bête de condamner à mort nos grandes firmes de génie, car ce ne sont pas elles qui sont responsables de la corruption mise en lumière par l'Unité permanente anticorruption (UPAC) et la commission Charbonneau. Ce sont plutôt des personnes qui les ont dirigées. C'est une distinction que la loi 1 ne fait pas et que l'AMF néglige. L'AMF fonde sa décision sur des informations reçues de l'UPAC et des critères objectifs mentionnés dans la loi, mais aussi sur sa perception de la «confiance du public» envers la firme qui demande une attestation d'intégrité. Or, s'il est incontournable de vouloir rétablir l'intégrité, il est primordial aussi de sauver nos grandes firmes de génie-conseil.

Cela peut se faire à trois conditions :

1. Faire table rase des personnes impliquées dans la corruption. Ce ménage est très avancé. Il est même déjà fait dans certaines firmes.

2. Mettre en place une nouvelle gouvernance (conseil formé d'administrateurs indépendants, code d'éthique et de déontologie sévère, dispositif de dénonciation des malversations, nouvelle direction générale).

3. Prévoir une compensation financière pour les contribuables. Or, la corruption a aussi profité à des constructeurs, des fonctionnaires, des élus et même à des mafieux. Mais comme on ne peut attendre les jugements pour départager les responsabilités et que notre industrie du génie-conseil est en péril, pourquoi ne pas demander à un groupe de sages de proposer un mécanisme de compensation ?

Le ministre Nicolas Marceau a récemment dit au Globe and Mail que son gouvernement ne laisserait pas tomber nos grandes firmes d'ingénierie. C'est le moment de prouver que ce ne sont pas des paroles en l'air.

MON COMMENTAIRE

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jean-paul.gagne@tc.tc

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