Pierre Arcand a beaucoup de pain sur la planche. Le ministre des Relations internationales du Québec ira rencontrer, dans les prochains jours, plusieurs décideurs politiques américains. Les relations commerciales entre le Québec et les États-Unis figurent au menu. Tout un enjeu, alors que le protectionnisme reprend de la vigeur chez nos voisins. Le ministre Arcand nous en parle.
Journal Les Affaires - Craignez-vous la montée du protectionnisme aux État-Unis ?
Pierre Arcand - Il s'est dit beaucoup de choses pendant la campagne électorale américaine [par exemple, sur une renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain]. Nous craignons sérieusement que les Américains, dans un effort de relance de leur économie, soient tentés par des élans de protectionnisme, comme on l'a d'ailleurs vu récemment, même s'ils ont atténué leur stratégie. [Washington s'engage à respecter les accords internationaux dont il est signataire, même si le plan de relance comprend une clause inspirée du Buy American Act.]
JLA - Qu'est-ce que le Québec peut faire pour défendre ses intérêts aux États-Unis ?
P.A. - J'essaie de faire deux choses. Montrer que le Québec est un partenaire commercial exemplaire pour les Américains à plusieurs égards, et élaborer une nouvelle stratégie à l'égard des États-Unis, qui reste à peaufiner.
JLA - Concrètement, quelles actions le Québec peut-il entreprendre pour limiter l'impact du protectionnisme ?
P.A. - Nous essayons d'être actifs dans les différents organismes où nous siégeons aux États-Unis [par exemple, la Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l'Est du Canada]. Nous sommes aussi actifs auprès des gouverneurs du Vermont, du Massachusetts et de l'État de New York. Par ailleurs, le Canada et le Québec envoient des messages cohérents à Washington. Nous faisons face aux mêmes problèmes, il doit donc y avoir un message fort.
JLA - Si le président Obama devait trancher entre les Américains et leurs partenaires commerciaux, il choisirait le peuple américain...
P.A. - C'est certain ! Mais vous savez, ces choses-là fonctionnent à double sens. On l'a vu, même au Québec, avec des décisions qui étaient de nature un peu plus protectionniste. Rappelons-nous la fameuse affaire entre Alstom et Bombardier [Québec avait confié à Bombardier, sans appel d'offres, le contrat de remplacement des rames du métro de Montréal]. Cela été une décision à court terme pour les travailleurs, [mais très contestée par la suite]. Parfois, [un certain protectionnisme] est nécessaire, mais à un moment donné, les gouvernements doivent regarder à plus long terme.
JLA - Avec moins de huit millions d'habitants, le Québec peut-il faire entendre sa voix à Washington ?
P.A. - C'est clair que nous n'avons pas un poids démographique important. Cela dit, le Québec expédie 75 % de ses exportations aux États-Unis, qui tiennent donc compte du Québec, malgré sa faible population. Croyez-moi, nous n'avons pas de difficulté à obtenir des rendez-vous à Washington !
françois.normand@transcontinental.ca